Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/436

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jours, à cause du calme qui régnait : le quatrième, nous mettons à la voile. Nous rencontrons et nous heurtons, chemin faisant, les nombreux cadavres de ceux qui avaient péri dans le combat naval ; et nous mesurons avec surprise l’énormité de leur taille. Après une navigation de quelques jours, secondée par un temps magnifique, le vent de Borée se met à souffler avec violence, et il survient un si grand froid que toute la mer se gèle jusqu’à la profondeur de quatre cents orgyies, en sorte que nous pouvons descendre et courir sur la glace. Mais comme le vent se soutenait toujours et devenait de plus en plus insupportable, nous prenons le parti, sur le conseil de Scintharus, de creuser dans la glace une grande caverne, où nous passons trente jours, allumant du feu et vivant de poissons. Pour les prendre, il suffisait de creuser. Cependant, les provisions venant à nous manquer, nous regagnons le navire ; nous le dégageons des glaces, nous déployons la voile et nous nous mettons à voguer doucement et légèrement, en glissant sur la glace. Le cinquième jour, la chaleur revient, la glace se fond, et la mer redevient une masse d’eau.

3. Nous avions déjà couru environ trois cents stades, quand nous sommes portés sur une petite île déserte : nous y renouvelons notre provision d’eau, qui commençait à manquer, nous tuons à coups de flèches deux taureaux sauvages et nous poursuivons notre traversée. Ces taureaux n’avaient point les cornes plantées sur la tête, mais sous les yeux, comme le voulait Momus. À quelque temps de là, nous entrons dans une mer, qui n’était pas d’eau, mais de lait. Au milieu s’élevait une île blanche, pleine de vignes. Cette île était un énorme fromage, parfaitement compacte, comme nous pûmes nous en convaincre dans la suite en en mangeant, et ayant vingt-cinq stades de circonférence. Les vignes étaient remplies de raisins ; mais au lieu de vin, on n’en exprimait que du lait. Vers le centre de cette île on avait bâti un temple, consacré à la néréide Galatée, ainsi que le portait l’inscription. Durant tout le séjour que nous fîmes en cet endroit, la terre même nous servit de nourriture, et le lait des grappes, de boisson. On nous dit que Tyro, fille de Salmonée, était reine de ce pays, récompense qu’elle reçut de Neptune, quand ce dieu la quitta.

4. Après être demeurés cinq jours dans cette île, nous levons