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Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/93

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PROMÉTHÉE OU LE CAUCASE.

ici jusqu’à l’arrivée de l’aigle qui doit prendre soin de ton foie, et je consens à passer le temps qui va s’écouler d’ici là à entendre les déclamations sophistiques d’un parleur habile comme toi.

[5] Prométhée. Parle le premier, Mecure ; et, pour donner à ton accusation la plus grande véhémence, ne néglige rien de ce qui peut justifier ton père. Toi, Vulcain, je te prends pour arbitre.

Vulcain. Par Jupiter ! je serai ton accusateur plutôt que ton arbitre, car tu m’as volé mon feu et laissé refroidir ma forge.

Prométhée. Eh bien ! partagez-vous l’accusation ; toi, Vulcain, accuse-moi de larcin ; Mercure me citera pour avoir fabriqué les hommes et distribué les viandes : tous deux vous paraissez bons artisans de parole et versés dans l’art oratoire.

Vulcain. Mercure parlera pour moi : je ne suis pas au fait du langage de la chicane : je ne m’occupe guère que de ma forge ; mais nous avons là un bon orateur, et des mieux ferrés à ces sortes de causes.

Prométhée. Je ne me serais jamais figuré que Mercure se chargeât d’accuser quelqu’un de larcin, ni qu’il voulût me reprocher d’avoir volé, étant aussi du métier. Cependant, fils de Maïa, puisque tu tentes l’aventure, il est temps d’arriver à l’accusation.

[6] Mercure. Elle exigerait de longs discours, Prométhée ; car il faudrait une certaine préparation pour énumérer tous tes délits, et il ne suffirait pas de faire un exposé sommaire de tes méfaits, de dire comment, le soin de distribuer les viandes t’ayant été dévolu, tu as gardé pour toi les meilleurs morceaux, trompé ton souverain, fabriqué des hommes, œuvre parfaitement inutile, dérobé le feu à nous autres dieux, pour en faire présent à tes créatures ; et il me semble, mon cher, qu’après tant de crimes, tu ne comprends pas l’excessive clémence dont Jupiter use envers toi. Si donc tu niais ces actions, il me serait nécessaire, afin de te convaincre, de développer mon plaidoyer et de faire effort pour mettre la vérité dans tout son jour ; mais si tu avoues avoir fait cette distribution des viandes, fabriqué des hommes par une invention nouvelle, et dérobé le feu, l’accusation est finie, je n’ai plus rien à dire, et le reste n’est plus que sornettes.

[7] Prométhée. C’est tout ce que tu viens de dire qui n’est que sornettes, et nous le verrons bientôt. Pour moi, puisque tu dis que l’accusation est suffisante, je vais essayer, autant que possible, de me laver de tous ces crimes. Et d’abord, écoute-moi au