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LA FIN DE RABEVEL

rien à faire, même par l’intermédiaire de Viviane. Mais voulez-vous voir celle-ci ?

Rabevel hésitait ; vraiment il n’en avait nul désir. La curiosité l’emporta enfin.

— Demain à cinq heures, dit-il.

Le lendemain il revint chez Linda. La jeune Viviane lui parut un peu plus petite et moins brune que sa sœur dont elle lui fit d’ailleurs l’éloge en termes dithyrambiques. Comme il se réhabillait, un peu surpris et reconnaissant d’avoir rencontré chez une professionnelle un don total, une mélancolie, une frénésie amoureuse rares, elle lui dit : « On se donne une fois ainsi, à un homme qui vous plaît ». Il promit de revenir.

Il revint. Il trouvait là un dérivatif, un exutoire. Son corps se calmait et se lassait. Mais bientôt l’esprit aussi se mit de la partie. La fille qui paraissait s’attacher à lui de jour en jour, devint jalouse, lui fit des scènes ; elle avait une roublardise insidieuse, une attention toujours en éveil qui lui permettaient de n’agir point à faux, de ne pas s’aiguiller sur une mauvaise voie. Ils en vinrent peu à peu aux luxures compliquées, aux visites de bouges où elle le guidait, aux voluptés amères, aux orages, aux coups. Parfois Bernard regrettait qu’elle ne fût pas à lui seul ; il voulut lui acheter un hôtel, l’installer dans ses meubles : « Pas un sou de toi, lui disait-elle ; moi je suis comme Pauline, celui que j’aime, je l’aime pour lui. C’est parce que tu ne me paies pas que je peux te parler comme à un mari ».