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LE MAL DES ARDENTS

La compagnie d’Isabelle créait, sans effort, le bonheur d’Olivier. Elle apportait une sorte d’insouciance consciente et ravie qu’elle faisait partager comme par miracle. Tout était simple et facile. Elle ne le disait point mais elle en suscitait autour d’elle la conviction. Elle passait dans la vie avec une telle aisance, une telle grâce, une telle sécurité, que le destin paraissait désormais fixé. Ses sentiments étaient assurés. Celui qu’elle touchait de son aile semblait à l’abri du chagrin. Essayant de voir clair en lui, Olivier se sentit plus d’une fois découragé de ne pouvoir s’exprimer l’allure unique de cette âme, la puissance flexible de cette intelligence qui parvenait à demeurer sans effort souriante tout en faisant pressentir qu’elle saurait maintenir intégralement la possession de son objet.

Il ne tarda pas à reconnaître dans l’attitude d’Isabelle les signes les plus évidents de l’amour : Bernard les avait discernés avant lui.

Un jour, tandis que sur les quais, ils attendaient la jeune fille, il lui demanda ce qu’il comptait faire.

— Je ne sais pas, répondit Olivier. Je ne ressens pas ce trouble, ce tremblement qui accompagne, dit-on, la naissance de l’amour… J’éprouve tout le bonheur désirable, mais pas cela…

— Alors ?

— Eh bien, mais, dit-il, c’est bien ainsi.

Bernard dut faire envisager à Olivier la situation morale telle qu’elle lui paraissait se présenter : son égoïsme