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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/170

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LE MAL DES ARDENTS

semblait devenir imminente ; mais il fallut bien qu’il finit par entendre ; on lui fit jouer un rôle actif. On le chargea d’apaiser les discordes. On l’envoya en ambassadeur. Il trouvait auprès de Madame Vassal un accueil enflammé qu’il redoutait. Il sentait que le jour viendrait où il ne pourrait plus s’opposer aux caprices de la bacchante. Et déjà il s’accoutumait à cette idée. Il se détachait même de son amitié pour Isabelle. Certes, il la revoyait toujours avec une tendre joie, mais comparant sa propre émotion à celle qu’il devinait en elle, il sentait comme il était loin de l’aimer réellement. Elle l’attendait tous les jours (souvent en vain) dans la cour intérieure du Petit Palais ; peu à peu leurs conversations n’apportèrent plus l’agrément à cet esprit accoutumé au piment. Il avait l’intuition qu’il se pervertissait insensiblement. Pris par les sens, il abandonnait lentement son cerveau à la dégradation. Des images plus précises que ses imaginations d’autrefois peuplaient ses rêveries et un sursaut brusque de sa volonté ne les chassait pas toujours.

Marc combattait de toutes ses forces cette invasion morbide. Il s’était ouvert de ses craintes à son père.

— Qu’y puis-je ? dit Noë. Les Rabevel, les Angèle, les Balbine, les Vassal, sont hélas ! comme Olivier, prédisposés à ce mal des ardents. L’excès d’enthousiasme, le pas donné à l’instinct sur l’intelligence, l’expansion extrême de la vie conduisent fatalement à de telles névroses. Le pauvre Olivier me paraît bien proche d’y succomber ; mais com-