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LE MAL DES ARDENTS

bureau. Il est l’incarnation d’une idée pure : l’idée que toutes les mers promènent son pavillon. Les radios, les câblogrammes arrivent à chaque minute. Il répond sur le champ, modifiant les parcours, sans cesse aux aguets des combinaisons susceptibles de lui apporter le maximum de réclame et de profit. Quel exercice de l’autorité et de l’audace !

— Et de l’esprit d’aventure ! C’est tout cela qui explique le goût paradoxal des grands industriels, des grands hommes d’affaires pour la femme — et pour la femme de bas étage ; ils y trouvent encore cet inconnu, cette difficulté imprévisible, redoutable, toujours renaissante, dégoûtante, jamais vaincue. Ils s’y trouvent encore… Mais que vont devenir Rabevel et sa gourgandine ?

— Pas difficile à deviner. Je les vois d’ici. Les deux amants assistent au dénouement réalisé d’une crise qui découle de celle dont le cours leur est devenu familier par de fréquentes expériences. L’horreur les rend muets. Ainsi, voilà à quoi peuvent aboutir, se disent-ils, les recherches combinées d’un esprit subtil et d’un cœur dilaté ? Ils avaient rêvé davantage. Ce néant subitement apparu ferme une gueule d’ombre sur leurs songes. L’écroulement de Reine les irrite comme l’insulte du destin méconnu aux anticipations secrètes dont leurs âmes aventureuses attendaient la félicité. Il les irrite, mais il les abat ; il les soumet à leur condition humaine.

— Mais Olivier ? demanda Isabelle qui ne pensait qu’à lui.