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LA FIN DE RABEVEL

l’un d’eux sut le persuader d’installer un cabinet de toilette auprès de son bureau. Quelquefois, dans l’après-midi il y passait, s’habillait, aidé par son courtisan qui portait un titre de directeur de service et lui tenait le pot de chambre après lui avoir fait sa cravate, puis il rejoignait l’actrice, l’inverti ou l’hétaïre cotée dont son familier lui avait assuré l’accès moyennant double et clandestine commission. Il passait, en hâte, au bureau de Clavenon avant de sortir : « Si on me demande, vous direz que je suis à la Transatlantique ». Tous les employés le savaient : il ne donnait un motif de ses sorties que lorsque ces sorties étaient inavouables. On en faisait des gorges chaudes. Clavenon en souffrait, lui portant une sympathie qu’il ne s’expliquait pas, dégoûté de ce milieu, repris par la nostalgie du métier d’instituteur. Mais le ramassis d’employés qui avait peu à peu remplacé les bons serviteurs soucieux de leur dignité, poussait des cris de joie. Le fondé de pouvoirs, le gros Rothier dit Bibendum, sorte de porc rouge et sourd, s’esclaffait bruyamment. Il allait au téléphone, demandait Balbine : « Monsieur Rabevel est à la Transatlantique. Mes respects, Madame. » Puis il ajoutait en posant l’écouteur : « Voilà la putain avertie ». Le chef comptable Maldious, avorton bossu et roublard, répandait les comptes du patron : « Voilà ses frais de bidet ». Des dactylos assez louches forniquaient avec les mâles. Une vague de saloperie, d’envie, de vanité et de lucre déferlait dans ce monde étroit, tant l’inconduite d’un patron peut avoir d’influence