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LE MAL DES ARDENTS

elle poussa un faible soupir ; et ce fut la fin de sa destinée terrestre.

Quelques semaines après, en revenant de visiter sa tombe dans ce petit cimetière perché de La Commanderie où il lui avait fait dresser une dalle verticale de marbre blanc que l’on apercevait de tous les alentours, Rabevel apprenait la mort de François. Il n’eut pas le loisir de songer à son crime double. La guerre éclatait. L’action passait aux jeunes. Pendant de longs mois, il dut se refrener puis s’organiser autrement ; il connut de nouveaux travaux et de nouveaux soucis : ce fut seulement vers la fin de la guerre que son cœur durci se préoccupa de nouveau des absents tant la vue de Marc lui paraissait devoir être une gêne et celle d’Olivier un remords. Une chance devait les lui faire retrouver tous deux.

La terrible égalité de la guerre qui fit un sort commun à tant d’êtres si différents n’avait pas épargné Marc. Il avait vraiment connu pour la première fois le sentiment de l’horreur morale et physique. Il avait su garder, par une bravoure qui lui était parfois bien cruelle, sa bonne humeur dans le pire danger ; mais la bêtise des hommes l’exaspérait ; les bolchevistes et les chauvins de l’arrière l’écœuraient. Il sentait son devoir mais demandait qu’on le laissât mourir en paix. Il eut la chance d’échapper longtemps au danger. Cependant, au cours d’une des meurtrières batailles de Juillet 1918 qui marquèrent le début de la victoire définitive, il fut atteint d’un éclat d’obus dans le flanc et dut être