Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
LA FIN DE RABEVEL

et des varechs. Ainsi se passaient leurs journées. Ils tendaient les filets, ils tiraient à balle sur les requins. Puis ils abordaient dans des criques où se baignaient les vahinés. Tandis qu’elles essuyaient leurs beaux seins de cuivre, Olivier leur donnait des poissons étincelants ; elles le remerciaient d’un baiser humide et lui souhaitaient au revoir : « Ja ora na Olivier Farani ». — Ja ora na, ia ora na !…

Quand il se retournait encore, une des femmes était quelquefois demeurée à le contempler ; la belle statue, et combien fougueuse dans l’amour ! Il haussa les épaules. — Eh ! oui, l’amour. « Tenez, votre civilisation baroque me donne la nausée. » Que dissimulent-ils donc sous le nom d’amour les Rabevel, les Balbine, les Vassal… et l’Olivier d’autrefois ajouta-t-il mentalement, se gaussant de l’homme qu’il avait été. Il sourit de sa faiblesse. Pendant qu’autour de lui la conversation était devenue générale, il se rappela les craintes vagues qu’il nourrissait à son départ de France : l’excitation de Balbine, le désespoir d’Isabelle, et, sans doute, la colère de Rabevel. Comme tout cela était loin ! Longtemps des lettres lui étaient parvenues lui disant la passion de Bzlbine et les tendres regrets d’Isabelle. Dans cet Océan où l’avait exilé, croyait-il, la jalousie de l’armateur, il s’était peu à peu détaché du monde civilisé dont il ne fréquentait plus qu’aux escales les représentants les plus incolores, les fonctionnaires des ports. Il avait cessé toutes correspondances tant elles l’ennuyaient. À peine si, aux