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LA FIN DE RABEVEL

ses accès d’autrefois… Il suait à grosses gouttes et éprouvait les glaces de la fièvre. Sans doute cette longue station dans ce matin traître sous les arbres, là-haut. Soudain une quinte effroyable le secoua. Il crut que son cœur éclatait. Il s’assit, épuisé, la main sur la poitrine.

— Non, dit-il à mi-voix, ça n’y est pas tout-à-fait. Ce sera pour la prochaine. Allons, ça vaut mieux que le suicide.

Un gamin passa en sifflant devant la fenêtre.

— Le petit Terlier, un caractère impétueux. Je n’aurai pas eu le temps de leur faire grand bien à ces gosses… C’est dommage… Je sens que je les aimais…

Il alla à la porte, la ferma à double tour : « Ni médecin, ni curé. La paix… » Il songea une seconde : « Ah ! pouvoir prier à cette minute… » Mais nul élan ne lui venait du fond de l’âme. « Il est trop tard pour s’abêtir », dit-il à mi-voix, ironiquement.

Il se mit au lit, prit un album de photographies, contempla longuement des portraits : François, Noë, Angèle, Abraham, Reine, Olivier, Balbine, Eugénie, Marc…

Il sentit que venait l’accès de toux qui allait briser son cœur fragile. Il ferma l’album, se ravisa, l’ouvrit au portrait d’Angèle, l’appuya contre l’édredon.

Puis il s’installa commodément comme pour un long voyage et il attendit la mort.


FIN

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