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LA FIN DE RABEVEL

créance ; 3o) — des terrains. Et maintenant, allons à table. La tante Rose s’impatiente et on réfléchit mieux devant un bon dîner. Nous signerons tout ça tout à l’heure. »

Pendant le repas, Bernard étudiait, en les faisant parler, le caractère de ses convives. La plupart, cultivateurs riches, avaient avancé des fonds à Mauléon, quelques-uns avaient fourni des matériaux ; le charpentier, le maçon qui avaient construit les massifs des machines et les réservoirs d’irrigation se trouvaient là aussi. Mais tous, quel que fut leur métier restaient, avant tout, petits propriétaires terriens, attachés à un domaine et toujours désireux de l’arrondir. Ils convoitaient, cela transparaissait dans leurs propos, les terrains irrigués ; et l’allusion au Syndicat du Morbihan (invention du rusé Bernard) les avait considérablement troublés. Rabevel y ramena négligemment la conversation quand ses hôtes commencèrent à être échauffés par le vin. L’un d’eux, Joindou, gros propriétaire des environs, s’écria à haute voix :

— Mais enfin, sans vous commander, Monsieur Rabevel, qu’est-ce qu’ils viennent faire ici vos sales têtes de pioches de Bretons ? On n’a pas besoin d’eux, vous savez. Ils nous boufferont la laine et la peau, ces gens-là. Ça travaille comme du monde gueusard, ça ne mange pas, ça fait pelote et puis ça grouille d’enfants qui vont à l’ouvrage pour rien et tirent le pain du pauvre monde ; je les connais, moi, ces gars ; j’ai fait mon service à Lorient. Y a pas à