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LA FIN DE RABEVEL

la crainte et l’horreur, persécutée du souvenir de leurs premières nuits où le mari s’était maladroitement montré lubrique et brutal. Avec Bernard, elle retrouvait enfin le délice insensiblement conquis, la pudeur réservée, l’absence chaste de l’intention précise ; et pourtant quelle ardeur autrement violente calcinait leur couple adultère ! Quelle douceur de feu !

Ils causèrent à voix basse, se retrouvèrent, firent enfin le point de leur voyage. Il lui raconta sa vie ; il lui dit sa solitude et son indifférente fidélité à Reine ; il avait dû édifier sa fortune ; pas une journée, pas une heure où le désir d’un corps de femme l’eût visité. Qu’il eût songé à elle, certes ! en pouvait-elle douter ? Mais c’était avec résignation, l’œuvre essentielle étant d’abord de devenir riche pour disposer à son gré des êtres et des choses. Il l’entretint longtemps ainsi ; elle aimait l’entendre, lui faire conter ses roueries et ses combinaisons, riait tout bas en le traitant de rusée canaille avec un doux roucoulement de la gorge où semblait s’avancer et s’attarder le désir. Il finit par conclure : « Et maintenant il n’y a plus qu’une chose à faire : venir à Paris sous prétexte d’élever notre Olivier. Je t’installerai un gentil nid. Nous serons heureux, si heureux ! » Olivier ! elle n’y songeait plus. Son fils lui apparut aussitôt, si beau ! et si plein d’une amoureuse et naïve admiration ! Il l’appelait quelquefois Maman-Petite-Sainte et soudain, revenant en coup de bélier, tous les remords l’envahirent à gros bouillons et la submergèrent