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LE MAL DES ARDENTS

mais un sursaut d’orgueil le secoua : Non, Eugénie, il ne pouvait pas ; elle le croyait un Rabevel ; il fallait qu’il le demeurât pour elle. Cette évocation d’une chère tendresse féminine le troubla ; et il décida aussitôt d’aller parler à Angèle. Il passa dans son bureau ; une lettre de Mr. Georges l’y attendait ; le comptable lui annonçait l’arrivée par deux trains successifs de Fougnasse et de Bartuel à qui il s’était permis de donner rendez-vous avec Bernard à onze et à trois heures, à son bureau le vingt-sept février. « Il est intelligent ce garçon, il a compris que ces deux drôles devaient s’ignorer. Bon. Le 27 Février, mais c’est aujourd’hui. Bon. » Il se hâta vers la maison d’Abraham. Angèle était à demi étendue sur une méridienne. Il sentit en la voyant cette émotion qui l’étreignait dès que le cher visage florentin lui apparaissait ; il murmura pour lui-même : « Mon amour, mon amour » et après l’avoir longuement embrassée il demeura un instant à genoux devant elle dans un besoin plus grand que jamais d’adoration. Elle le regardait avec l’expression d’une tendresse immense et désolée et laissait sa main contre sa joue. Ils gardèrent le silence et il leur semblait à tous deux d’un prix tel qu’ils n’eussent pas voulu le rompre. Pourtant, comme elle toussait un peu, il l’interrogea :

— Je serai bientôt tout à fait guérie », lui dit-elle ; elle se dégrafa, montra sous le sein gauche une trace rosée, la cicatrice ; il y posa ses lèvres avec passion tandis qu’elle rougissait de pudeur et de joie. Elle reprit avec embarras :