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LE MAL DES ARDENTS

plus personne au bureau : « J’y reviendrai tout à l’heure », décida-t-il et il rentra à l’hôtel. Le vestibule était vide. « Tiens, Angèle n’est pas descendue » ; il dit au concierge : « Voulez-vous prévenir Madame Régis que je suis arrivé et que je l’attends au salon ? » — « Oui, Monsieur, j’envoie le gamin tout de suite ».

Bernard entra aussitôt au salon tandis que le concierge appelait le chasseur. Il feuilleta distraitement les illustrés ; de beaux vocables retentissaient à ses oreilles : La Scintillante, la Jamais Contente, le Tourny, le Bel-Ami… Les rêves de son enfance prenaient figure ; en quittant le bureau sur le quai, il avait enregistré sur sa rétine les belles images de vaisseaux balancés ; posséder une flotte qui promènerait sur toutes les mers du globe le pavillon de Rabevel ! ça ce serait beau. Il commençait à avoir confiance en lui-même ; il sentait bien que s’il voulait il y arriverait un jour ou l’autre ; alors, quelle grandeur ! Quelle magnificence : être le maître de ces navires ; il te les ferait produire, lui, allez ! on verrait ça ; et il faudrait que ça marche à la baguette tous ces zigotos, ces capitaines. François comme les autres. François !

Et justement il lui sembla que ce nom était répété distinctement derrière lui. Il se retourna, un peu altéré. Sur la porte, Angèle se tenait, pâle, comme défaillante. Elle répéta d’un air égaré : François ! Puis, comme les yeux désillés : c’est toi, Bernard ? où est François ?… « Elle est folle ! » se dit Rabevel avec inquiétude. Il ajouta à voix