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LE MAL DES ARDENTS

qu’elle ôtait son chapeau, le firent trembler d’amour ; elle le pressentit, elle lui sourit de ses dents pointues, de sa prunelle lumineuse sous l’oblique sourcil de faunesse. Il monta enfin ; le train s’ébranla.

Il se voulait un souvenir parfait de ces dernières heures. Il voulut lui ôter lui-même ses longues bottines, la chausser de ses mules après lui avoir baisé les pieds avec ferveur. Mais il tenait à ce que sa pudeur religieuse ne fut point offusquée et il se détourna, plongé sans affectation dans la lecture des journaux, tandis qu’elle se délaçait. Elle savait à quel point il aimait être son serviteur pour ces offices intimes, elle comprit combien il lui en coûtait de s’en priver et elle lui en sut gré. Mais quand elle fut allongée sur sa couchette, il disposa sous sa tête les oreillers, étendit sur elles les couvertures puis, ayant jeté à terre quelques coussins, il s’assit, la tête à son chevet, le visage tout près du sien.

Tous deux, un instant, songèrent à leur premier voyage, au départ de cette même gare, à la ruse qui avait décidé de leur aventure ; mais ils n’en parlèrent point. La lassitude de la journée s’appesantissait sur eux ; ils causèrent un instant avec une douceur fraternelle, puis s’endormirent ensemble sans presque s’en apercevoir. Le lendemain matin, vers les six heures, ils arrivaient en gare de Capdenac quand Angèle, debout et prête depuis un moment, éveilla Bernard. Ils devaient changer de train, prendre une ligne transversale, qui les mènerait au milieu du Causse de