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LE FINANCIER RABEVEL

« C’est Joindou de Bouyals qu’on enterre aujourd’hui, » dit Mauléon à sa fille. Six hommes portaient le cercueil sur les épaules : « Oui, fit Mauléon, parce que le chemin finit un peu plus loin ; on ne peut monter à l’église, et au cimetière qui est derrière elle, que par un escalier. Venez sur le rempart, vous verrez ». Il les guida ; Angèle le suivait, précédant Bernard. Ils longeaient une terrasse droite en plan incliné ; il remarqua que, dépouillée aujourd’hui de tous bijoux, elle avait conservé en retournant la pierre à l’intérieur de sa main la bague qu’il lui avait donnée la veille.

Quand ils furent sur le rempart, Bernard vit en effet le cortège funèbre engagé dans l’escalier qui montait à l’église. Ainsi le mort ne quittait ses proches qu’au moment dernier de rentrer dans la terre froide. Sa dépouille imposait aux hommes, même les plus durs, qui étaient obligés de cheminer sous son fardeau, le frisson de l’inconnu et sa terrible leçon. Quelle grandeur, quelle sagesse !

Mauléon à présent lui montrait dans le lointain, les bourgades éparses, semblables à la leur. Sainte Radegonde, la bastide des amandiers ; Cirou, le pays des cerises ; Ravise où tournaient encore de vieilles coutelleries : les ouvriers travaillaient à genoux dans l’eau et chacun avait son chien couché sur les jambes pour lui tenir chaud ; et puis Pampelonne, fondée en 1299 par Eustache de Beaumarchais, à son retour d’Espagne où il s’était emparé de Pampelune : on distinguait ses remparts ; Mauléon assurait que les fossés