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LE MAL DES ARDENTS

Personne et ce sera Monsieur Personne jusqu’à la culbute finale, vous le savez bien.

— Bah ! comment arrangez-vous cela ?

— C’est bien simple. Vous savez que c’est Antoine Bordes, le vieux, le père de Bordes c’est-à-dire de mon oncle qui a fondé la maison ; il vient de mourir il y a peu de temps fort âgé et c’est son fils Jean Bordes qui a maintenant quarante-trois ans qui conduit la boîte depuis 15 ans à peu près. C’est en 1878, à la fin de l’exposition, lors de la crise d’affaires terrible dont vous avez entendu parler et qui a suivi cette foire ridicule, que la maison a failli sauter ; mon oncle a englouti dans l’affaire tout ce qu’il avait, a mangé l’avoir de sa sœur c’est-à-dire de ma mère qui était déjà veuve à cette époque, a emprunté dans des conditions usuraires et s’est trouvé finalement acculé à la faillite ; c’est alors que Blinkine, qui avait eu vent de la chose, lui a proposé de le remettre debout ; il a constitué une société anonyme formée par mille actions de 1000 francs dont moitié versée, estimant 500.000 francs un fonds qui valait déjà plus de 3.000.000. Il s’est fait adjuger une commission, des parts de fondateur, a souscrit une vingtaine d’actions, a placé le reste, a exigé pour son associé et lui la situation que vous connaissez, et, en fin de compte, a réalisé une affaire de premier ordre. Il a en effet réussi à introduire le papier en Bourse au moment où s’achevait la souscription, a fabriqué l’année suivante un bilan désastreux que son canard, l’Honnête Financier a signalé aussitôt