Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
LE MAL DES ARDENTS

Sénégal, ce sont de trop bons clients. Écrivez à Bordeaux de se procurer une douzaine de cents tonnes de fret pour l’Algérie afin de compléter le Montcalm à son arrivée à Bordeaux, dès après le déchargement d’arachides…

Un matin qu’il travaillait ainsi, l’huissier lui présenta la carte de Madame Veuve Mulot. Qu’est-ce qu’elle voulait, celle-là ? Il la fit attendre un moment, termina ce qu’il était en train de faire, puis donna l’ordre de l’introduire.

Madame Mulot s’attendait à trouver un fils : elle fut reçue par un étranger. Elle s’assit, fort gênée, ne sachant comment attaquer l’entretien. Lui, silencieux, immobile, la regardait à travers ses paupières mi-closes ainsi qu’en usait autrefois avec lui le Père Régard : toute sa seconde nature avait été ainsi façonnée par un mimétisme inconscient chez lui mais dont ses éducateurs n’ignoraient point la puissance. Madame Mulot s’arma enfin de courage et dit :

— Vous savez, Bernard, que votre père est mort subitement. Je n’ai pas besoin de vous dire que, étant la cause de sa ruine, vous êtes aussi la cause de sa mort. J’ai aussi par votre faute un gros remords ; peut-être, en effet, aurais-je pu empêcher cette ruine et cette mort.

Bernard se pencha vers elle. Rien ne pouvait davantage l’intéresser. Comment ? dans son système si précisément et méticuleusement ourdi il y avait eu une faute que le cerveau d’une femme aurait discerné et qui était suffisante