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LE FINANCIER RABEVEL

qu’elle était dans sa chair vive autant que dans son cœur. Puis il regarda Mme Boynet ; elle s’était assoupie ; on n’entendait même pas son souffle ; elle se tenait raide comme si nulle défaillance ne pouvait lui advenir, même pendant son sommeil. La figure était hautaine, froide, fermée, avec ce quelque chose de jupitérien qui distingue les êtres faits pour présider ; deux rides horizontales au front, une ride à la naissance du nez qui marquait la tendance à la réflexion et au courroux ; la plage des yeux était celle de la pureté, le nez pourtant était sensuel et la bouche généreuse. « C’est ça, la marguillière, se dit Bernard. Comme les gens jugent bêtement ! » Dès qu’elle s’éveilla, ils se mirent à causer en amis. Le jeune homme sentit bientôt l’envelopper une curiosité sympathique ; il éluda un peu les questions jusqu’à ce qu’il eût vu Angèle s’éveiller ; on était au milieu de la nuit, mais personne ne pouvait plus dormir dans cette petite chambre. Quand on eut dorloté la jeune femme, Bernard lui recommanda d’être sage et de se taire : « Mais je peux écouter ? demanda-t-elle.

— Certainement ». Il songeait que cela était même nécessaire afin de prévenir toute contradiction. « C’est que la marguillière ne s’en laisserait pas conter », se dit-il. Alors peu à peu, il en vint aux confidences, raconta son éducation chez les Frères, la mystique du Jésuite et comment il se serait fait prêtre si cette admirable petite créature de Dieu qui reposait dans ce lit ne lui avait révélé qu’il avait la vocation du mariage. Tout cela fut parfaitement filé avec