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LE FINANCIER RABEVEL

dans ses bras ; ou d’entendre fermer la porte et, dans l’escalier, son pas qui s’éteignait.

Un déchirement voluptueux le ravinait d’une honte allègre, labourait son âme comme une chair vive, spasmodique, tendue. Horreur de fange, odeur de cadavre, tous les miasmes flottaient dans cette brume pesante où des sentiments épais étouffaient la volonté purificatrice. Confus et pêle-mêle, dans l’anarchie présente de la vie fragmentaire de l’homme, les sensations et les sentiments les plus étranges coexistaient comme, aux orgies masquées, le bougre et le cardinal.

Bernard leva de sur ses mains sa tête lourde ; sa lassitude était telle qu’il se sentait près de mourir. Il sonna le domestique.

— Dites à cette dame que je pensais la recevoir, quoique souffrant, mais que, décidément, je ne me sens pas assez dispos ; qu’elle revienne si elle peut. Et désormais, je ne serai jamais là pour elle.

Le valet était visiblement surpris. Il n’avait jamais observé, évidemment, qu’on fit attendre un visiteur qu’on n’a pas l’intention de recevoir. Il dit, par habitude : « Bien, Monsieur », et se retira.

Le jour baissait, l’ombre envahissait la pièce, et le silence. Des bruits légers, un craquement de meuble, un appel dans la rue lointaine accusaient, pour Bernard, la fuite d’un temps auquel son âme était suspendue. Les perceptions l’effleuraient, la pensée expectante laissait un