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LA JEUNESSE DE RABEVEL

garantit l’avenir ; peut-être ne le seras-tu plus dans un mois, dans huit jours, que dis-je ? demain, ou ce soir. Enfin cette grave question qui est d’un ordre naturel, donc divin, mise à part, je vois dans la vocation une chose pure de tout alliage, de tout calcul, un appel irrésistible et définitif, un cri tel du dieu intérieur qu’on ne peut ni hésiter, ni s’y tromper. Or, manifestement, tu ne perçois rien de tout cela. Donc, tu peux faire un prêtre, peut-être un bon prêtre, mais enfin Dieu ne t’y aura point contraint.

Il s’arrêta pendant quelques secondes et, devant la mine penaude de son ami, ajouta :

— Maintenant n’oublie pas que je ne suis qu’un juif qui n’entend rien à toutes ces choses.

Il se tourna vers François, pour changer de conversation :

— Eh ! mais, que contemples-tu, toi ? Fichtre !

— Je crois bien que ce sera ma fiancée, dit Régis en lui tendant une petite photographie. Mon père me pousse beaucoup à me marier jeune, il voudrait, comme il dit, faire sauter des petits-fils de bonne heure. Or, voilà : à la pension de famille Riquet que j’habitais autrefois ici et que vous connaissez bien, la patronne avait une nièce de deux ans plus jeune que moi et qui habite avec son père dans le Rouergue ; ne la reconnaissez vous pas ? enfants, vous l’avez pourtant souvent vue cette petite qui était si gentille !

— Mais en effet, s’écria Bernard, je la reconnais ! C’est cette petite Angèle Mauléon qui m’agaçait tellement.