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LA JEUNESSE DE RABEVEL

souleva, ce sein qu’il avait touché et il imagina dans un éclair Blandine nue devant les lions. Quand il expliqua sa venue, les vieux ne dirent rien ; ils étaient cassés et pour la première fois sortant devant eux de lui-même il les trouva affaissés, usés, si changés en ces quatre ans où il les avait à peine entrevus. Noë lui dit : « Mon petit, tu es libre, entièrement libre ; je ne tiens pas à avoir un curé dans la famille mais, enfin, tu es libre de le devenir ». Et comme Bernard regardait Eugénie d’un air interrogateur : « Que veux-tu que je te dise ? » fit-elle, « Ton oncle a raison : et puis, c’est lui le maître à cette heure, comme de juste. Il nourrit la maisonnée depuis la maladie de Rodolphe ». Noë la fit taire. C’était la justice qu’il aidât les siens. Encore heureux qu’il pût le faire ne s’étant pas marié. Une rougeur fugitive passa sur leur front. Bernard sentit parfaitement et comme matériellement la présence du désir, pour si respectueux, secret et peut-être inconscient ou terrorisé de l’inceste que fût ce désir. Adossé à sa chaise, il voulut s’examiner, fermer les yeux. Mais des images nues le visitaient qu’il ne se rappelait pas avoir jamais vues. Il se reprochait sa complaisance en s’y attardant. Tout d’un coup il se souvint qu’il devait aller à la Madeleine ; bah ! neuf heures, il avait le temps. Eugénie lui servait du thé ; par la grande emmanchure du peignoir il vit tout entier le bras, la chair ferme et blanche, le duvet au fond et l’ombre qui partait de l’aisselle trahissant une rondeur commençante ; elle continuait à le considérer