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LE MAL DES ARDENTS

— Je pourrai rester Français ? répéta l’enfant d’une voix insistante.

— Oui, répondit Noë, avec une émotion qu’il tentait vainement de surmonter. Sais-tu que c’est un grand honneur d’être Français ?

— Pourquoi ? demanda Bernard.

— Ah ! le maître te l’expliquera ! D’ailleurs, nous arrivons.

Ils s’arrêtèrent devant une vieille bâtisse en pans de bois, toute vermoulue, où déjà stationnaient des groupes d’enfants et de grandes personnes. Le menuisier reconnut quelques amis et bavarda un instant avec eux sous le déluge qui ne cessait point.

— Alors, vous menez ce gosse au régent ? lui demandait-on.

— Ma foi, oui, c’est de son âge ; il faut bien qu’il apprenne son alphabet. Et puis, quelques coups de rabot au caractère ça ne fait point de mal, pas vrai ? Surtout que le petit gars ne l’a pas toujours verni ; hein, Bernard ?

Mais l’enfant se taisait ; il avait un pli au front et semblait méditer.

— Il est toujours comme ça, ce petit, c’est une souche, dit Noë à ses interlocuteurs ; on ne sait pas d’où ça sort,

Bernard leva les yeux.

— Tu ferais mieux de te taire, fit-il d’un ton froid qui remua les auditeurs.

— Voilà, s’écria l’oncle en prenant ceux-ci à témoin ;