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LA JEUNESSE DE RABEVEL

il convoquait pour le surlendemain les propriétaires des terrains ; il demandait un rendez-vous aux Daumail et au séquestre pour la semaine suivante. Il alla se coucher content.

Le lendemain matin il paressa dans sa cabane de planches froide ; il écrivit dans son lit une lettre pour Blinkine et Mulot en leur faisant le rapport circonstancié de ses démarches : « Peut-être, terminait-il plaisamment, ai-je outrepassé les pouvoirs que je tenais de vous, mais je jure que j’ai sauvé la République ». Au petit déjeuner, la mère Loumégous lui remit une lettre qui lui avait été adressée à Paris ; il reconnut l’écriture d’Angèle sur la suscription et celle de Noë sur la surcharge. Il trembla. Quelle mésaventure, quelle peine en perspective ! Des embêtements quand tout allait si bien ! Il ouvrit l’enveloppe. Elle contenait ceci :

Mon pauvre Bernard,
Comment ai-je pu aimer un aussi abject personnage ?
Comment ai-je pu vous préférer à un être aussi droit que François. Trouvez ici l’expression de mon profond dégoût
.A.

— Je m’en fous, dit-il à voix haute. Et comme il se sentait mordu au cœur, il se hâta, avec une sorte de frénésie inconsciente, de répéter encore :

— Je m’en fous et je m’en fous ; oui, et je m’en contrefous. Mais de toute la journée, malgré le travail auquel il se livra tout entier, un rongeur ne cessa dans le plus traître de l’âme son travail secret. Il se coucha exténué ; toute sa