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LA JEUNESSE DE RABEVEL

le raccordement était fait, les wagonnets roulaient sur les plans inclinés des Daumail. Ceux-ci s’avouèrent vaincus et firent la paix contre une redevance de passage inférieure de moitié à celle que leur avait offerte d’abord Bernard. Les chevaux revinrent comme par enchantement, leur nombre devant suffire à peine au trafic intérieur des chantiers en raison de l’intensité croissante de l’exploitation. Le soir du jour où le premier train de wagonnets chargé d’asphalte et portant en proue et en poupe un petit drapeau tricolore arrivait en gare de Mérugnet, deux hommes demandèrent à monter à Cantaoussel par le moyen de la rame vide que remorquait le convoi chargé descendant. Arrivés sur le plateau, ils se présentèrent à Rabevel ; c’étaient Bartuel et son compagnon grisonnant qui se nomma.

— Ah ! Monsieur Orsat, dit Bernard, vraiment je suis heureux de vous connaître. Vous m’avez bien donné du mal ; et cette vieille ficelle aussi, ajouta-t-il avec une rudesse cordiale en frappant sur l’épaule de Bartuel qui se sentit flatté. Entrez chez moi, nous serons mieux pour causer.

Il déploya toutes ses grâces, fit le siège de cet Orsat en qui il voyait un des éléments importants de son avenir : il l’amena à se raconter suffisamment pour que, jointes aux discours de Bartuel, ses déclarations le lui eussent à peu près représenté. Il découvrit dans son interlocuteur un grand propriétaire, intelligent, lettré, un peu timide et très fin ; il comprit que ce rentier risquait son superflu en spéculations sur les biens fonciers, les terrains, les