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LA JEUNESSE DE RABEVEL

laissée acheter… Inutile d’essayer de m’interrompre, je dirai ce que j’ai à dire : Pendant que moi je travaillais dix-huit heures par jour au fond de l’Auvergne, que je faisais l’impossible, que j’attendais, pour vous écrire, de pouvoir vous annoncer l’aurore d’un avenir digne de vous, vous, intrigante et sans pudeur, vous repreniez votre parole sans même m’en avertir et vous deveniez la femme d’un homme qui ne vous a jamais inspiré aucune affection. Vous avez fait ça, vous ; oui, vous, vous vous êtes vendue : dites un autre mot.

Elle ne trouvait rien à répondre ; le sol lui manquait, son bon sens chavirait ; en vain cherchait-elle un défaut dans ce raisonnement logique. S’il disait vrai pourtant, ce monstre, quel malheur ! quel épouvantable malheur ! cependant un éclair l’illumina :

— Des histoires vous en avez toujours eu à revendre et vous en aurez toujours, bien entendu. Mais si vous-même ne m’avez pas abandonnée expliquez-moi donc comment il se fait que vous ne m’ayez pas donné de vos nouvelles ?

— Oh ! je vous en prie, répliqua-t-il sarcastique, ne vous rabattez pas sur des petits faits ; vous savez fort bien comment j’ai dû partir sans pouvoir rien faire ; Blinkine a dû vous le raconter, je suppose, je l’en avais chargé et il est fort exact.

— Non, il ne me l’a pas raconté.

— C’est vous qui le dites… Bien, ne vous fâchez pas :