Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
LA JEUNESSE DE RABEVEL

cru seul ; et Bernard tout à coup pensa que si ce vieillard avait ainsi parlé c’est qu’il avait justement deviné pourquoi Bernard s’agenouillait. Il est malin, se dit-il. Mais si ce malin croyait à toutes les histoires de bon Dieu ? Non, encore des sornettes du parti prêtre pour arriver à tout gouverner. Mais la simplicité du lieu, la modestie et l’humilité évidente de l’homme qu’il savait être un savant, l’évocation des ambitions qu’il entretiendrait, lui, s’il était pareillement instruit, le subjuguèrent ; il demeura perplexe et attentif ; le Père Régard se taisait toujours.

Enfin, il retira sa main, gardant les yeux clos et, de sa voix sans timbre :

— Il est évident que je ne puis, mon enfant, vous accorder la faveur des sacrements tant que votre âme pourrira dans l’état où on l’a mise. Le malheur c’est que vous me paraissez profondément gâté. Je vous ai suivi et observé tous ces jours-ci, j’ai vu vos notes, j’ai parlé à vos surveillants et à vos professeurs. Vous travaillez beaucoup, vous vous donnez du mal, vous êtes intelligent, vous vous conduisez bien — et vous ne réussissez pas. C’est que la grâce de Dieu n’est pas sur vous. Pourquoi ? D’abord parce que vous ne priez pas du fond du cœur, ensuite parce que vous n’êtes pas un vrai chrétien. Vous ne réussirez jamais en rien, que c’est dommage !

Il s’arrêta et soupira. Bernard reconnaissait bien à part soi la justesse des observations sur la vanité de son effort et il en était profondément vexé. Il se défendit :