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LA JEUNESSE DE RABEVEL

déjà à prendre la soutane : Lormier n’avait pas la vocation et n’y prétendait point, mais où qu’elle s’exerçât, sa piété simple et forte ne pouvait que faire du bien ; Daumas… Midel…… il les passait en revue ; aucun n’était revenu de si loin ni si haut que cet ardent petit Rabevel dont le sombre bouillonnement l’inquiétait encore parfois. Justement c’était lui qui, cette fois, lui demandait au nom de ses camarades, de leur raconter une vie de Saint. Il sourit. Le miracle extérieur, la sujétion des forces de la Nature en imposerait toujours aux enfants — comme aux hommes, ajouta-t-il à part soi.

Mais déjà ses pupilles discutaient. Gasier réclamait un nouvel épisode de la vie des Franciscains ; il se délectait des prières d’Assise ; toute la nature lui était proche et parente ; il en buvait la fraîcheur à longs traits : ma petite sœur l’eau, mon petit frère le passereau… quelles délices ! Seul, il se racontait à mi-voix les voyages du petit Pauvre et de son Compagnon ; rien de romanesque ne l’y entraînait mais une candeur venue intacte du fond des âges. Pourtant, Midel eût préféré les récits d’évangélisation : Xavier était son héros ; il le voyait petit et noir, plein d’une force formidable par le signe de la croix, retourner des continents. « Et vous, Rabevel ? » demanda le Père. Bernard releva sa tête pensive, il songeait, répondit-il, au terrible supplice de Saint Laurent que le Père leur avait décrit la veille : « Comme Dieu est bon de soutenir un chrétien en de pareilles traverses ! » dit le petit Gazier. Mais Bernard se