Dieu aura bien su reconnaître ma sœur, et elle qui tenait si peu à la terre, n’y devait point laisser de traces. Elle m’a quitté, cette Sainte de génie. Je n’ai pas été un seul jour sans la pleurer. Lucile aimait à se cacher : je lui ai fait une solitude dans mon cœur : elle n’en sortira que quand j’aurai cessé de vivre.
Ce sont là les vrais, les seuls événements de ma vie réelle ! Que m’importaient, au moment où je perdais ma sœur, les milliers de soldats qui tombaient sur les champs de bataille, l’écroulement des trônes et le changement de la face du monde ?
La mort de Lucile atteignit aux sources de mon âme : c’était mon enfance au milieu de ma famille, c’étaient les premiers vestiges de mon existence qui disparaissaient. Notre vie ressemble à ces bâtisses fragiles, étayées dans le ciel, par des arcs-boutants ; ils ne s’écroulent pas à la fois, mais se détachent successivement, ils appuient encore quelque galerie, quand déjà ils manquent au sanctuaire ou au berceau de