Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/117

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Tant que leur éclat est net et leur flamme distincte, les contours ne varient guère que sous des accroissements ou des pertes insensibles, quelle que soit la distance : (5, 590) tu peux en conclure que les astres diminuent ou augmentent à peine du plus faible, du plus insaisissable volume.

Et ne va pas crier merveille, de voir un soleil si étroit envoyer une lumière si vaste que ses écoulements remplissent les eaux, les terres, le ciel, et que tout soit baigné de son ardente vapeur. Car il est possible qu’au sein du monde entier ce soit l’unique et intarissable fontaine ouverte, d’où jaillissent les torrents de lumière, parce que de tous les endroits du monde tous les atomes de feu y réunissent, y amoncellent leurs flots épais, (5, 600) de telle sorte que cette mer brûlante déborde par un seul canal. Ne vois-tu pas souvent un mince ruisseau arroser de larges prairies, engloutir les campagnes ?

Il se peut encore que, sans avoir beaucoup de feu, le soleil envahisse l’air et le dévore de ses embrasements, si l’air est d’une nature complaisante, avide, et prompte à s’allumer au contact d’une faible ardeur. C’est ainsi qu’on voit, au sein des moissons et du chaume, une étincelle répandre l’incendie.

Peut-être même le soleil, autour des cimes que dore sa lampe resplendissante, (5, 610) possède-t-il un amas de feux dont les ardeurs cachées, sans se trahir par aucun éclat, dardent la chaleur, et augmentent à ce point la force de ses rayons.

Il n’y a pas, non plus, de voie directe et simple pour expliquer comment il va des régions de l’été au Capricorne, dont il tourne la froide barrière, et comment de là il ramène son char à la borne où le Cancer l’arrête ; et comment aussi on voit la lune parcourir en un mois ces espaces qui usent un an de la marche du soleil. Non, je le répète, une cause unique et simple n’est point assignée à ces merveilles.

(5, 620) On peut surtout admettre, comme vraisemblables, les saintes opinions du grand Démocrite. Plus les astres sont voisins de la terre, moins ils sont emportés dans le tourbillon du ciel. En effet, ce rapide et ardent essor languit et s’épuise vers l’extrémité inférieure : aussi le soleil reste-t-il peu à peu en arrière avec les astres les moins hauts, étant lui-même bien au-dessous des étoiles resplendissantes ; et la lune encore davantage. Plus son humble révolution s’écarte du ciel, et incline vers la terre, (5, 630) moins elle peut lutter de vitesse avec les flambeaux du monde ; et plus elle tourbillonne d’une course lente et molle, elle qui est inférieure au soleil, plus les astres qui roulent autour d’elle l’atteignent et la dépassent. Il arrive de là qu’elle semble rejoindre d’un pas agile chacun des astres, parce que les astres reviennent à elle.

Voici un autre fait possible. Des régions opposées du monde, s’élancent alternativement et à des époques réglées deux courants d’air, qui poussent le soleil des signes de l’été aux froides carrières du Capricorne, (5, 640) puis le rejettent des ténèbres glacées de l’empire du froid aux demeu-