Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/145

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tressaillements. Il le faut bien, puisque les chariots ébranlent, au bord de la route, nos demeures émues de leur faible poids, (6, 550) et que les maisons bondissent encore là où des chars rapides font rouler leurs roues retentissantes.

Il arrive aussi que, par l’effet de grands éboulements de terre dans des mares profondes, le bouillonnement de l’eau fait vaciller le sol qui lui sert de lit ; de même un vase ne peut rester immobile, tant que le fluide balance à l’intérieur sa vague incertaine.

En outre, dès que le vent, amassé dans les cavités inférieures du sol, en assiège sur un point les profondes cavernes, (6, 560) la terre se penche du côté où la presse l’impétuosité du vent. Les demeures, bâties à la surface, cèdent avec elle : plus elles montaient vers le ciel, plus elles fléchissent et plus la même pente les entraîne. Les poutres courent en avant, déjà suspendues, déjà prêtes à la chute. Et l’on a peur de croire que la nature réserve au vaste monde l’heure fatale, l’heure de sa perte, quand on voit de si énormes masses de terre s’abîmer ! Ah ! si les vents ne reprenaient parfois haleine, aucun frein ne pourrait empêcher les êtres de courir à la mort. (6, 570) Mais tour à tour ces vents languissent et redoublent ; ils se rallient en quelque sorte, et, revenus à la charge, ils battent en retraite : aussi voit-on la terre menacée plus souvent que frappée de ruine. Elle se courbe un instant, se redresse ensuite, et ne perd son équilibre que pour rentrer dans son assiette. Voilà pourquoi nos demeures chancellent de haut en bas ; mais le haut plus que le milieu, le milieu plus que le bas, et le bas si peu que rien. De vastes ébranlements sont occasionnés encore par la grande et forte haleine de quelque vent, soit extérieur, soit formé dans la terre (6, 580) dont il envahit les gouffres. C’est d’abord au sein de ces immenses cavernes que ses frémissements éclatent, que roulent ses tourbillons ; puis enfin, lorsque sa dévorante impétuosité force le passage, il ouvre les entrailles de la terre, et creuse de larges abîmes. Ce fléau attaqua, près de la Syrie, la ville de Sidon ; et on le vit à Égine, dans le Péloponnèse : toutes deux furent abattues par ces éruptions du vent et ces tempêtes du sol. De grandes secousses ont encore plongé sous la terre bien de hautes murailles, et une foule de villes ont péri, abîmées dans la mer avec leurs citoyens. (6, 591) Lors même que ce vent ne jaillit point au dehors, un souffle fougueux et plein de rage circule dans les mille pores de la terre, espèce de frisson qui excite le tressaillement. Ainsi, quand le froid pénètre et secoue les membres, il faut que, malgré eux, les membres tremblants grelottent. Une double terreur agite donc les habitants des villes : ils craignent la chute des toits sur leur tête ; ils craignent que sous leurs pieds la Nature ne démolisse tout à coup les cavernes du sol, que ses déchirements n’ouvrent au loin un gouffre immense, (6, 600) et que pour l’emplir elle ne veuille y confondre ses immenses débris.

Oui, on a beau croire que le ciel et la terre