Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/150

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dans les ressorts des membres, et vont ébranler l’âme au fond de ses retraites.

(6, 800) Enfin, si on demeure longtemps au bain chaud, et que plongé dans le vase on ruisselle d’une eau bouillante, quand on est plein de nourriture, avec quelle facilité la vie s’écroule au milieu de l’onde !

Avec quelle facilité aussi l’énergique et pernicieuse odeur du charbon se glisse dans le cerveau, si on ne boit de l’eau avant qu’elle n’y monte !

Et quand elles ont envahi, échauffé toutes les pièces d’une maison, les fumées du vin portent aux nerfs une sorte de coup mortel.

Ne vois-tu point aussi naître et s’amasser dans la terre le soufre, et le bitume à l’odeur fétide ? Enfin, quand on poursuit les veines d’argent ou d’or, (6, 810) et que, le fer à la main, on fouille les profondeurs cachées du sol, quelles funestes vapeurs jaillissent des entrailles de la mine ! Que d’exhalaisons malfaisantes au séjour de ces riches métaux ! et quel visage, quel teint ils donnent aux hommes ! Ne vois-tu point, ou n’as-tu pas entendu dire avec quelle promptitude ils y meurent d’ordinaire, et combien la vie manque nécessairement d’abondance pour ceux que la grande force des lois enchaîne à ce terrible ouvrage ? Il faut donc que le sol écumant jette toutes ces vapeurs, et les répande dans la vaste et libre étendue de l’air.

Voilà comment les Avernes doivent envoyer à l’oiseau (6, 820) une essence mortelle, qui s’élève de la terre aux cieux, et qui va empoisonner une certaine partie de l’atmosphère. À peine l’oiseau y est-il porté par ses ailes, enlacé aussitôt et comme saisi de l’invisible poison, il tombe en ligne directe vers l’endroit d’où monte l’infect bouillonnement ; et, après sa chute, la fatale énergie de cette même écume lui ôte des membres tous les restes de la vie. Car la première attaque n’excite en lui qu’une sorte de vertige ; puis, quand il est précipité dans la source même du venin, il faut encore qu’il y vomisse l’âme, (6, 830) parce que les exhalaisons meurtrières l’environnent en abondance.

Il se peut aussi que, de temps à autre, cette énergie et ce bouillonnement de l’Averne dissipent tout l’air qui est entre l’oiseau et le sol, de manière que l’intervalle soit presque abandonné au vide. Alors, quand l’oiseau qui vole passe directement au-dessus de ces lieux, ses ailes fatiguées en vain lui manquent tout à coup, et chacune voit trahir son effort inutile. Ne pouvant trouver un appui que son aile lui refuse, il tombe : son poids l’entraîne, la Nature le veut ; et une fois étendu au milieu du vide, (6, 840) il répand son âme par toutes les issues du corps.

L’eau des puits gagne de la fraîcheur en été, parce que la chaleur appauvrit le sol, et que si la terre possède quelques atomes de feu, elle se hâte de les rejeter dans les airs. Ainsi donc, plus la chaleur frappe la terre, plus elle glace le fluide que la terre recèle. Mais quand le froid à son tour la presse, la ramasse, la durcit, il arrive que cet épaississement refoule dans les puits toute la vapeur chaude que portent les flancs du sol.

On dit que, près du temple d’Hammon, il y a une source froide tant que brille le jour, (6, 850) et chaude tant que règne la nuit [849]. Les hommes s’émerveillent trop de cette fontaine. Ils croient