à la surface des eaux. (1, 370) Mais si du côté de l’orageux septentrion l’éclair a lui, s’il tonne dans les régions de l’Eurus et du Zéphyr, la pluie va tout noyer, les champs et les fossés : vois, le pâle nautonnier replie déjà sa voile humide. Jamais l’orage n’a surpris les moins prévoyants : la grue, qui le voit s’élever du fond des vallées, a déjà fui devant lui ; la génisse, levant la tête et regardant le ciel, ouvre de larges naseaux pour aspirer l’air ; l’hirondelle au cri perçant rase d’une aile vagabonde l’eau des lacs ; et la grenouille dans ses marais redit sa vieille et éternelle plainte. (1, 379) Souvent la fourmi s’en va par un petit chemin, en emportant ses œufs hors de son couvert peu sûr : l’arc-en-ciel, coupant les nues, boit l’eau de la mer ; et de noires légions de corbeaux, revenant de la pâture, font retentir les airs du battement de leurs ailes rassemblées. Vois les divers oiseaux de mer, et ceux des bords du lac Asia, qui paissent les doux herbages des prairies du Caïstre ; vois comme ils essayent de mouiller dans les eaux leur plumage ruisselant : tantôt ils offrent la tête aux flots, tantôt ils s’élancent contre les courants ; ils ne peuvent contenter leur insatiable amour des eaux. Alors la corneille sinistre appelle la pluie à pleine voix, et elle se promène seule et recueillie le long des grèves arides. (1, 390) Les jeunes filles elles-mêmes, en tournant le soir leurs fuseaux, savent deviner la tempête, quand elles voient l’huile en feu pétiller, et s’amasser autour de la lampe des flocons d’une mousse consumée.
Des signes contraires et non moins certains t’annonceront de beaux soleils et des atmosphères sereines. Alors la pointe des étoiles n’est plus émoussée ; Phébé a des clartés qu’on dirait qu’elle n’a point empruntées à son frère : on ne voit plus flotter dans les cieux, pareilles à la laine légère, des nuées transparentes. Les alcyons, si chers à Téthys, n’étalent plus leurs ailes au soleil chaud des rivages : (1, 400) on ne voit plus les porcs immondes dissiper, en s’y ruant, les gerbes déliées. Mais les nuées vont s’affaissant, et se couchent sur les plaines ; et du haut de son toit, où il attend le coucher du soleil, le hibou fait entendre, mais en vain, son triste chant du soir. Tout à coup Nisus apparaît planant, dans l’azur des cieux ; Scylla va recevoir sa peine, Scylla qui l’a trahi en livrant le cheveu fatal. De quelque côté, qu’elle fuie en fendant l’air d’une aile légère, son implacable ennemi, Nisus, la poursuit à grand bruit : partout où fond Nisus, Scylla, plus prompte encore, fend l’air et s’échappe. (1, 410) Alors les corbeaux poussent trois et quatre fois des cris moins rauques ; et souvent dans leurs hautes demeures, réjouis par je ne sais quelle douceur secrète, ils s’ébattent entre eux sous le feuillage ; tant ils aiment, après la pluie, à revoir leurs petits, à revenir à leur tendre couvée ! Ce n’est pas que je croie qu’il y ait en eux quelque peu de l’esprit divin, ou une sagesse prophétique qu’ils tiennent du destin : mais aussitôt que la température et les vapeurs changeantes des cieux ont pris un autre cours, et que Jupiter avec ses vents les a tour à tour condensées ou raréfiées, il se fait des mouvements pareils dans les êtres animés ; (1, 420) et, selon que le vent pousse les nuages, leurs esprits ressentent des