Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/208

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mers, (1, 470) les sinistres aboiements des chiens, les cris odieux des oiseaux. Que de fois nous avons vu l'Etna, rompant ses fournaises, se répandre en bouillonnant à travers les champs des Cyclopes, et rouler des torrents de flamme et des roches liquéfiées ! La Germanie entendit des bruits d'armes dans tout le ciel ; les Alpes ressentirent des tremblements extraordinaires. Plus d'une fois aussi on entendit dans les bois silencieux des voix épouvantables ; on vit des spectres d'une pâleur affreuse errer à la nuit tombante : chose horrible, les bêtes parlèrent ! les fleuves s'arrêtent, la terre s'entr'ouvre : (1, 480) dans les temples l'ivoire pleure, comme attendri, et l'airain se mouille de sueur. Furieux et entraînant les forêts dans ses tourbillons, l'Éridan, ce roi des fleuves, déborde, et emporte à travers les campagnes les étables et les troupeaux. Jamais les tristes entrailles des victimes n'étalèrent aux yeux tant de fibres menaçantes ; partout le sang coule dans les puits ; et la nuit, nos villes épouvantées retentissent des hurlements des loups. Jamais la foudre ne tomba si souvent par un ciel serein ; jamais tant de redoutables comètes ne s'enflammèrent dans les espaces.

(1, 489) C'est pourquoi les champs de Philippes ont vu pour la seconde fois les légions romaines se combattre avec des armes fraternelles : deux fois les dieux ont souffert que l'Émathie et les vastes plaines de l'Hémus s'engraissassent de notre sang. Un jour viendra que dans ces mêmes contrées le laboureur, soulevant la terre avec sa charrue, trouvera des javelines rongées par la rouille, heurtera avec ses pesants râteaux des casques vides, et admirera dans leurs tombeaux fouillés les grands ossements de nos pères.

Dieux de la patrie, dieux indigètes, Romulus, Vesta, qui veillez sur le Tibre toscan et sur les palais de Rome, (1, 500) n'empêchez pas du moins ce jeune héros de venir en aide à ce siècle en ruine ; assez et trop longtemps nous avons expié les parjures de Troie et de la race de Laomédon. Ô César, depuis longtemps le ciel t'envie à la terre, et se plaint que tu es trop touché des honneurs des mortels. En effet, tu le vois, partout sont confondus le juste et l'injuste, partout la guerre est dans le monde, partout les hideuses images du crime. La charrue négligée est sans honneur ; les campagnes, d'où le laboureur a été arraché, languissent désolées ; et, avec le fer de la faux recourbée, on forge des épées meurtrières. D'un côté l'Euphrate, de l'autre la Germanie se remue ; (1, 510) les villes, rompant tout lien de voisinage et les antiques traités, s'arment les unes contre les autres ; Mars embrase le monde entier de ses fureurs impies. Ainsi quand les quadriges se sont élancés hors des barrières, et qu'ils s'échauffent à parcourir l'espace, le conducteur, retenant en vain les rênes, est emporté par ses coursiers, et le char n'écoute plus ni la voix ni le frein.






LIVRE II.

(2, 1) J'ai chanté jusqu'ici la culture des champs et le cours des astres. C'est toi maintenant, ô Bac-