Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/211

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léger d'Argos, (2, 100) le plus coulant de tous, et qui résiste le mieux aux années ? Je ne vous oublierai point non plus, précieuses grappes de Rhodes, si agréables aux dieux, et toujours bien venues sur nos tables ; ni toi, Bumaste, tout gonflé de tes grains rouges. Mais comment compter toutes les espèces et tous les noms des raisins ? Ce serait peine inutile. Autant vaudrait tâcher de savoir combien de grains de sable sont emportés par le zéphyr sur les rivages de la Libye, ou bien, quand le violent Eurus s'abat sur les vaisseaux, compter combien de vagues viennent mourir sur les grèves d'Ionie.

Toutes les terres ne peuvent pas produire toute sorte de plantes. (2, 110) Les saules naissent le long des fleuves, les aunes dans les marais fangeux, les frênes stériles sur les montagnes pierreuses ; les myrtes sont heureux au bord des eaux : enfin la vigne aime les coteaux et le grand air, les ifs l'aquilon et les frimas. Vois l'univers dompté par la culture jusqu'aux lieux les plus reculés, depuis les régions de l'Aurore, qu'habite l'Arabe, jusqu'au pays des Gélons, qui se peignent le corps : chaque arbre a sa patrie ; l'Inde seule produit le noir ébène ; on ne trouve qu'à Saba la branche qui donne l'encens. Que te dirai-je de ce bois odorant qui distille le baume, et de la baie de l'acanthe toujours vert ? (2, 120) des forêts d'Éthiopie, toutes blanches d'un tendre duvet ? Dirai-je comment les Sères détachent des feuilles de leurs arbres les plus fines toisons ? Parlerai-je de ces grands bois que l'Inde voit s'étendre sur les rives de l'Océan, l'Inde où finit le monde ? Leur cime s'élève si haut dans les airs, qu'aucune flèche ne peut l'atteindre ; et pourtant ces peuples n'ont pas la main peu prompte à décocher les traits.

La Médie produit une pomme salutaire, mais d'un suc amer et d'une saveur engourdissante : quand la marâtre cruelle a empoisonné les coupes, et y a mêlé des herbes funestes avec des paroles de mort, (2, 130) cette pomme est le plus puissant remède contre le noir poison qu'elle chasse des membres. L'arbre est fort haut, et tout à fait semblable au laurier ; et, s'il ne répandait au loin une odeur différente, ce serait le laurier : la feuille ne tombe jamais sous l'effort des vents ; la fleur tient ferme sur sa tige ; les Mèdes s'en parfument la bouche et l'haleine, et réchauffent avec ses sucs les vieillards haletants.

Mais ni la Médie si riche en forêts, ni le Gange et ses belles rives, ni l'Hermus qui roule un limon d'or, ni la Bactriane, ni l'Inde, ni la Panchaïe tout entière, avec ses sables où vient l'encens, ne le disputeraient en merveilles à l'Italie. (2, 140) Nos champs, il est vrai, n'ont jamais été retournés par des taureaux soufflant la flamme ; jamais les dents semées d'une hydre immense n'ont hérissé nos plaines d'une moisson de guerriers aux casques étincelants, aux lances pressées. Mais des blés magnifiques, mais le Massique répand à flots l'abondance ; nous avons l'olivier, et les plus beaux troupeaux. D'ici s'échappe vers la plaine le coursier belliqueux, à la fière encolure ; d'ici de blancs taureaux, tes plus grasses victimes, ô Clitumne, vont se baigner souvent dans