Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/362

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de fantassins ; les boucliers se serrent, les bataillons se pressent dans toute la plaine : c’est la jeunesse argienne, la troupe des Aurunces, celle des Rutules ; ce sont les antiques Sicaniens, les Sacraniens, les Labiques aux boucliers peints ; ceux qui habitent, ô Tibre, tes forêts, et qui labourent les rives sacrées du Numicus ; ceux qui enfoncent le soc dans les montagnes Rutuloises et Circéennes ; ceux des vallons auxquels préside Jupiter Anxur ; (7, 800) ceux des bois verdoyants aimés de la déesse Féronia ; enfin les peuples des bords du noir marais de Satura et des fraîches rives de l’Ufens, qui cherche un chemin tortueux à travers de profondes vallées, et va s’engloutir dans la mer.

On vit après eux arriver du pays des Volsques, à la tête d’escadrons d’airain étincelants, Camille, la vierge guerrière : elle n’a point accoutumé ses mains de femme au fuseau et aux ouvrages délicats de Minerve ; mais elle s’est endurcie aux combats ; elle sait lutter avec les vents, les devancer à la course. Elle eût, sans les toucher ni plier leur tête, rasé les vertes moissons, couru sur les tendres épis ; (7, 810) ou encore, d’un pas suspendu sur la vague gonflée, elle eût effleuré les mers sans mouiller ses pieds rapides. Tous, les guerriers, les mères, se répandant hors des bourgades et des champs, l’admirent, et la suivent de leurs regards ébahis : un manteau royal couvre de sa pourpre éblouissante ses délicates épaules, l’or retient sa chevelure nouée. On admire sa grâce à porter le carquois lycien, et le myrte pastoral armé d’une pointe de fer.


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LIVRE VIII.


(8, 1) Dès que Turnus, du haut de la citadelle de Laurente, eut déployé l’étendard de la guerre, et que la trompette, aux sons rauques eut retenti ; dès qu’il eut secoué la bouche de ses coursiers fougueux, et agité ses armes, soudain les esprits s’émurent : tout le Latium conjuré se soulève en tumulte, et la jeunesse enflammée éclate en belliqueux transports. Ses chefs, Messape, Ufens, et Mézence, le contempteur des dieux, rassemblent des forces de toutes parts, et dépeuplent au loin les campagnes, vides de laboureurs. En même temps Vénulus est envoyé vers la ville du grand Diomède, (8, 10) pour lui demander du secours, et pour lui annoncer que les Troyens occupent le Latium, qu’Énée avec sa flotte a touché les bords ausoniens, qu’il y apporte ses Pénates vaincus, qu’il se dit appelé par les destins à l’empire de l’Italie, que plusieurs nations sont déjà venues se joindre au chef dardanien, et que son nom retentit au loin dans le Latium. Que prépare-t-il par ces commencements ? à quoi aspire-t-il, si la fortune seconde ses armes ? C’est ce que Diomède doit voir plus clairement que Turnus et que le roi Latinus.

Cependant le héros troyen, qui sait les mouvements du Latium, flotte entre mille et mille pensées tumultueuses, (8, 20) partage son esprit rapide entre mille objets, est emporté de çà et de là,