Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/368

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lasse point de regarder ses yeux terribles, sa face effroyable, la poitrine velue du monstre demi-bête, et ses feux éteints dans son gosier. Depuis ce mémorable jour nous célébrons cette fête en l’honneur d’Alcide, et les générations reconnaissantes ont consacré ce joyeux anniversaire. Potitius, le premier instituteur de ce culte, (8, 270) et la famille Pinaria, dépositaire de ce rite herculéen, ont érigé au milieu de ce bois un autel, qui sera toujours appelé par nous, qui toujours restera pour nous le plus grand des autels. Soyez donc, ô Troyens, de cette fête d’Hercule ; et, pour redire avec nous les hauts fait du héros, couronnez vos têtes de feuillage, prenez la coupe en main, invoquez ce dieu, notre dieu tutélaire et le vôtre, et faites couler le vin à flots. » Il dit ; le peuplier, cher à Hercule, ombrage sa chevelure de ses feuilles à la double couleur, et pend entrelacé à ses tempes ; la coupe sacrée remplit sa main : tous aussitôt de répandre avec lui le vin des libations, d’invoquer les dieux.

(8, 280) Le jour déclinait, et Vesper commençait à monter sur l’horizon : déjà s’avançaient les prêtres, et à leur tête Potitius, vêtu de peaux, selon l’usage antique, et portant les feux sacrés. Alors on recommence le festin ; les secondes tables des sacrifices étalent leurs dons agréables ; on charge les autels de bassins remplis d’offrandes. Les Italiens se lèvent pour chanter, et, les tempes couronnées de peuplier, environnent les saints brasiers. Ils sont partagés en deux chœurs, l’un de jeunes gens, l’autre de vieillards ; ils chantent les louanges d’Alcide et célèbrent ses travaux immortels. Ils disent comment il triompha des premiers monstres que lui suscita sa marâtre, comment il étouffa, les pressant de ses mains enfantines, deux serpents ; (8, 290) comment il renversa deux villes fameuses, Troie et Œchalie ; et les mille travaux formidables qu’il surmonta sous les lois d’Eurysthée, et par la fatale volonté de l’inique Junon. « C’est toi, dieu invincible, qui abattis sous tes coups les deux Centaures enfants de la nue, Hylée et Pholus ; toi qui as terrassé le prodigieux taureau de Crète, et le lion énorme de la roche Néméenne. Le Styx aussi trembla devant toi, et tu épouvantas le gardien de l’Orcus, Cerbère couché dans son antre sanglant, sur des tas d’os à demi-rongés. Pas de monstre qui t’ait jamais effrayé, pas même Typhée, haut comme les nues, et les armes à la main ; et le cœur ne te faillit pas, (8, 300) quand l’hydre de Lerne se dressa autour de toi avec ses cent têtes renaissantes. Salut, vrai fils de Jupiter, salut, nouvel ornement des cieux. Viens nous visiter et nous et tes sacriflces ; viens d’un pied favorable. » Ainsi ils chantent les louanges d’Hercule ; ils redisent surtout la caverne de Cacus, et le monstre lui-même qui souffla vainement ses flammes. Tout le bois résonne de leurs chants, et les collines au loin en retentissent. Les cérémonies achevées, on retourne à la ville. Évandre, appesanti par l’âge, marchait appuyé sur Énée et sur son fils Pallas ; et par ses entretiens variés il soulageait la fatigue du chemin. (8, 310) Énée observe tout, porte çà et là ses mobiles regards, est charmé de la vue des lieux d’alentour, s’informe de tout avec joie, se fait instruire des antiques traditions ausoniennes. Alors le roi Évandre, premier fondateur de