Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/373

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épouvantée par ces avertissements des dieux. Tarchon, leur chef, m’a donc envoyé des ambassadeurs, et par eux la couronne, le sceptre de l’Étrurie, et les insignes de la royauté : il veut que je succède au commandement de l’armée et à l’empire tyrrhénien. Mais les glaces de l’âge et mes vieux ans qui m’ont épuisé, m’envient ce suprême honneur ; et c’est trop tard pour mes forces de se porter aux grands coups de la guerre. (8, 510) J’eusse exhorté mon fils à prendre ma place, si, né d’une mère sabine, il ne tenait par elle à la patrie latine. Vous donc à qui le destin a tout réservé, et l’âge et la naissance, vous que réclament les dieux, marchez, ô le chef le plus brave des Troyens et des Italiens. Ce n’est pas tout : ce fils, l’espérance et la consolation de ma vieillesse, Pallas vous suivra ; je veux que, sous un maître tel que vous, il se forme au dur métier de la guerre et aux rudes travaux de Mars ; qu’il s’accoutume à voir vos exploits ; que dès ses premiers ans il vous admire. Je lui donnerai deux cents cavaliers arcadiens, la fleur de notre jeunesse, et lui-même vous en donnera autant en son nom. »

(8, 520) Il dit : le fils d’Anchise et le fidèle Achate, tous deux silencieux et le regard fixé sur la terre, entrevoyaient dans leur cœur les menaçantes images d’un sombre avenir ; quand tout à coup la déesse de Cythère fit paraître à la face des cieux un signe favorable. L’air s’ébranle, un éclair part de la nue avec un grand bruit ; on dirait que tout va s’écrouler, et on entend mugir la trompette tyrrhénienne. Ils lèvent les yeux ; le ciel tonne coup sur coup avec un immense fracas. Alors ils voient, entre les nuages, et dans une pure éclaircie des cieux, reluire des armes ; ils les entendent tonner en s’entre-choquant. (8, 530) Tous sont frappés de stupeur : mais le héros troyen reconnaît le son des armes divines ; la déesse sa mère accomplit sa promesse. Alors se tournant vers Évandre : « Ne vous inquiétez pas, ô mon hôte, de ce prodige et des événements qu’il annonce ; c’est à moi que l’Olympe s’adresse : la déesse, ma mère, m’avait annoncé ce signe, en me promettant que, si la guerre éclatait, elle m’apporterait à travers les airs des armes forgées par Vulcain. Ô quel carnage vous menace, malheureux Laurentins ! Téméraire Turnus, comme tu payeras cher ton audace ! Et toi Thybre, père de ces ondes, que de boucliers, que de casques, que de corps généreux tu vas rouler dans tes flots ! (8, 540) Qu’ils appellent la guerre maintenant, qu’ils rompent les traités ! »

Il dit, se lève, et, accompagné d’Évandre et de la jeunesse troyenne, il va réveiller la flamme assoupie sur les autels d’Hercule ; ensuite il porte ses hommages aux humbles pénates de son hôte, aux dieux Lares qui l’ont accueilli la veille ; et, après leur avoir immolé, selon les rites, des brebis choisies, il retourne à ses galères, et revoit ses compagnons. Dans leur nombre il choisit pour le suivre aux combats les plus distingués par leur valeur ; les autres sont emportés par le courant du fleuve, et tranquilles s’abandonnent à la pente de l’onde : (8, 550) ils vont porter au jeune Ascagne des nouvelles de son père, et lui annoncer son heureuse fortune. Des chevaux sont donnés aux Troyens qui vont se porter dans les