Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/377

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tien, et ne voit pas derrière elle les deux serpents qui l’attendent. Tous les dieux monstrueux de sa patrie, et à leur tête l’aboyant Anubis, se sont armés pour lutter contre Neptune, Vénus et Minerve : (8, 700) au fort de la mêlée, Mars, gravé sur le fer, paraît déchaînant ses fureurs ; des cieux descendent les cruelles Furies ; et la Discorde, étalant en triomphe sa robe déchirée, marche à grands pas ; Bellone la suit armée d’un fouet ensanglanté.

Apollon, des hauteurs d’Actium, regarde le combat et bande son arc : frappés de terreur, l’Égyptien, l’Indien, l’Arabe, le Sabéen, tous ont tourné le dos. On voit la reine elle-même, implorant les vents, fuir à toutes voiles, et déployer sur les eaux ses câbles abandonnés. Le dieu du feu l’avait représentée au milieu du carnage, déjà pâle de la mort qui l’attendait, (8, 710) et emportée par les flots et l’Iapyx. Voilà que le Nil aux vastes formes apparaissait devant elle, pleurant son malheur, ouvrant les larges plis de sa robe, et appelant les vaincus dans son sein azuré, et dans les retraites profondes de ses eaux. Mais César, trois fois triomphant, entrait porté sur son char dans les murs de Rome, et, payant aux dieux de l’Italie l’immortel tribut de ses vœux, consacrait dans la ville trois cents des plus vastes temples. Rome entière retentissait des cris de joie, du bruit des jeux, des applaudissements de la foule. Dans tous les temples ce ne sont qu’autels dressés, chœurs de dames romaines ; partout devant les autels des taureaux immolés jonchent la terre de leurs dépouilles sanglantes. (8, 720) Sur le seuil éblouissant de marbre et d’albâtre du temple d’Apollon, César, du haut de son trône recueille les présents des peuples, et en décore les superbes portiques du dieu. On voit s’avancer la longue file des nations vaincues, aussi diverses par leur langage que par leurs vêtements et leurs armes. Ici Vulcain avait représenté les Nomades, et les Africains à la robe flottante ; là les Lélèges, les Cariens, et les Gélons qui portent l’arc. L’Euphrate soumis coulait plus mollement ; on voyait les Morins venus des extrémités de la terre, le Rhin à la double corne, les Dahes jusqu’alors indomptés, et l’Araxe indigné du pont qui l’enchaîne.

Telles étaient les merveilles empreintes sur ce bouclier, présent de Vulcain. (8, 730) Énée les admire, et, réjoui par cette prophétique image des grandes choses qu’il ignore, il charge ses épaules de la gloire et des destins de sa postérité.


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LIVRE IX.


(9, 1) Au milieu de ces mouvements divers, la fille de Saturne envoie du haut de l’Olympe Iris vers le fier Turnus. Turnus se reposait alors dans un bois sacré, au fond d’une vallée consacrée à Pilumnus, l’un de ses aïeux. Iris l’aborde, et de sa bouche de rose elle laisse tomber ces mots : « Turnus, ce qu’aucun dieu n’eût osé promettre à tes vœux, cette journée, qui déjà s’écoule, vient d’elle-même te l’offrir. Énée a quitté sa ville, ses compagnons, sa flotte, a gagné le mont Palatin et la demeure royale d’Évandre : (9, 10) c’est peu ; il a pénétré jusqu’aux dernières villes de Coryte, et là il rassemble et arme la troupe agreste des Lydiens.