Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/394

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l’empêchent de fuir : il voudrait, mais il ne peut, s’élancer en avant, et se faire jour à travers les dards et les chasseurs. Tel Turnus incertain recule à pas lents ; la colère bouillonne dans son cœur : deux fois il s’est jeté au milieu des ennemis ; (9, 800) deux fois il a chassé le long des remparts leurs bataillons en déroute. Mais voici que le camp tout entier se rassemble contre lui ; et la fille de Saturne n’ose plus le soutenir contre tant de bras réunis ; car Jupiter a envoyé du haut de l’Olympe Iris à sa divine épouse, pour lui porter des ordres rigoureux, si Turnus ne se hâte pas de sortir des hauts remparts du camp troyen. Le jeune guerrier lui-même a épuisé sa vaillance, il ne peut plus résister ni du bouclier ni de la main ; de tous côtés les traits l’accablent ; son casque incessamment atteint siffle autour de ses tempes, l’airain de ses armes fléchit sous la grêle des pierres ; (9, 810) son panache est renversé ; son bouclier ne suffit plus aux coups des Troyens ; la lance en main, et à leur tête, le foudroyant Mnesthée ne le laisse pas respirer ; enfin, inondé de sueur, de sang et de poussière, les flancs exténués et battus d’un souffle brûlant, d’un bond il s’élance tout armé dans le fleuve. Le Tibre le reçoit dans le sein de ses flots jaunes, le soutient sur ses eaux tranquilles ; et, après avoir lavé le sang de ses blessures, il le rend joyeux à ses compagnons.


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LIVRE X.


(10, 1) Cependant le palais de l’Olympe tout-puissant s’ouvre, et le père des dieux, le maître des hommes, convoque les immortels autour de son trône semé d’étoiles. C’est de là qu’abaissant ses regards, Jupiter voit la terre entière, le camp des Troyens, et les peuples du Latium. Les dieux prennent place dans l’enceinte ouverte de deux côtés, et Jupiter commence en ces termes : « Glorieux habitants du ciel, pourquoi ce changement soudain de vos volontés ? pourquoi cet esprit de haine qui vous anime les uns contre les autres ? J’avais défendu que l’Italie fît la guerre aux Troyens. Pourquoi cette discorde qui éclate, au mépris de mes ordres, entre les deux peuples ? Quelle terreur (10, 10) leur a fait prendre les armes de part et d’autre, et les excite à se livrer des combats ? Les temps marqués viendront, ne les prévenez pas, où la féroce Carthage enverra les malheurs et la ruine aux murailles romaines, et, s’ouvrant un passage à travers les monts, déchaînera les Alpes contre l’Italie. Alors vos haines pourront se combattre, alors vous pourrez tout bouleverser. Jusque-là reposez dans une heureuse et profonde concorde. » Jupiter ne dit que ce peu de mots : mais Vénus à la chevelure d’or se répand en de plus longs discours : « Ô père, ô maître éternel des dieux et des hommes (car quelle autre puissance que la vôtre pouvons-nous implorer aujourd’hui ?), (10, 20) vous voyez comme les Rutules