Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/418

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gues et les plus violentes douleurs. Là des mères, des épouses malheureuses, des sœurs tendres et désolées, des enfants privés de leurs pères, détestent une guerre fatale et l’hymen sanglant de Turnus. Ils veulent qu’il ait seul les armes à la main, que seul il combatte, puisqu’il réclame pour lui l’empire de l’Italie et les honneurs suprêmes. (11, 220) L’implacable Drancès appuie ces discours ; il assure qu’Énée n’en veut qu’au seul Turnus, n’appelle que Turnus au combat. Mais un parti nombreux soutient Turnus du cœur et de la voix, et le couvre du grand nom de la reine. Turnus se relève encore par sa belle renommée et par ses trophées mérités. Au milieu de ces mouvements, et au fort et dans le feu même de ces passions tumultueuses, les ambassadeurs envoyés vers la grande ville de Diomède reviennent avec la triste réponse, que tous leurs immenses efforts ont été impuissants ; que rien n’a pu ébranler le prince, ni les dons, ni l’or, ni les prières les plus pressantes ; que les Latins n’ont plus qu’à chercher d’autres alliances, (11, 230) ou à demander la paix au roi des Troyens. Cette nouvelle achève de consterner le roi Latinus. Énée est bien ce maître fatal que les dieux annoncent manifestement à l’Italie ; Latinus en est assez averti par leur colère, et par la perte encore saignante de tant de braves mis au tombeau sous ses yeux. Il appelle donc à une assemblée générale les grands de son royaume, et les rassemble dans son palais. Tous accourent ; tous se précipitent à flots pressés vers les issues qui mènent à la demeure royale. Au milieu d’eux s’assied Latinus, le premier par l’âge et par la majesté du sceptre ; mais la tristesse obscurcit son front. Alors on introduit les ambassadeurs nouvellement revenus de la ville étolienne ; (11, 240) le roi leur ordonne de parler, et de rapporter dans un ordre précis les réponses qu’ils ont reçues de Diomède. Il se fait un grand silence ; et Vénulus, pour obéir au roi, commence en ces termes : « Citoyens, nous avons vu Diomède et le camp argien ; nous avons surmonté tous les périls d’une longue route ; et nous avons touché cette main sous qui tomba Ilion. Alors Diomède vainqueur fondait en Iapygie, au pied du mont Gargan, la ville d’Argyripe, qu’il a ainsi appelée du nom de son ancienne patrie. Introduits devant lui, et invités à prendre la parole, nous étalons nos présents ; nous lui disons notre nom, notre patrie, (11, 250) quels peuples nous ont apporté la guerre, quel sujet nous amène à Arpos. Après nous avoir écoutés, le héros, d’un ton calme, nous répond : "Nation fortunée, sur qui Saturne a jadis régné, antiques Ausoniens, quel sort funeste trouble aujourd’hui votre repos, et vous pousse à provoquer aux combats un peuple qui ne vous est pas connu ? Nous tous qui avons d’un fer impie dévasté les champs d’Ilion (je ne parle pas des maux sans nombre qui nous ont épuisés sous ses hauts remparts, des guerriers que le Simoïs presse encore de ses ondes), nous avons souffert sur toutes les plages du monde d’effroyables supplices ; nous avons expié nos crimes par tous les châtiments : restes de la vengeance des dieux, Priam lui-même aurait eu pitié de nous. Minerve le sait, (11, 260) elle qui déchaîna contre nous l’astre des tempêtes ; ils le savent, les rochers eubéens et le flambeau vengeur de