Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/425

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côtés le pressaient mille traits cruels ; et les Volsques en armes, se déployant çà et là, voltigeaient autour de lui. Voici que dans sa fuite il voit l’Amasène, grossi par les pluies que les nuages en se rompant avaient épanchées, rouler par-dessus ses rives ses flots écumants : il va s’élancer à la nage ; mais son amour pour son enfant le (11, 550) retient, et il tremble pour ce cher fardeau. Longtemps il délibère ; enfin il s’arrête à ce périlleux moyen. Autour de l’immense javeline, formée d’un bois noueux et durci par la flamme qu’il portait, guerrier superbe, d’une main vigoureuse il enlace un berceau d’écorce et de liège dans lequel il a enfermé sa fille ; des nœuds adroitement tressés rassemblent et le berceau et la javeline. Alors les balançant l’un et l’autre d’un bras puissant : Fille de Latone, qui habites les forêts, déesse secourable, s’écrie-t-il, je voue, moi son père, cette fille à tes autels : vois, elle tient pour la première fois tes traits, et t’implore en fuyant ses ennemis et les miens. Accepte, ô toi que j’atteste, accepte, (11, 560) ô déesse, ce bien que je t’abandonne, et que ma main confie au périlleux espace des airs. Il dit, et d’un bras ramené en arrière lance sa javeline : l’onde en retentit ; et l’infortunée Camille s’envole par-dessus le fleuve rapide avec le trait sifflant. Métabe, que la troupe ennemie presse de plus près, se jette à la nage, aborde ; et d’une main triomphante arrache du gazon sa javeline et son enfant, don que Diane désormais réclame. Cependant nul toit, nulle cité ne reçut Métabe dans ses murs ; et le farouche tyran lui-même n’aurait pas donné les mains à l’hospitalité offerte. Il passa donc sa vie, à la manière des pasteurs, dans les montagnes solitaires. (11, 570) Là, au milieu des buissons et dans les profondeurs affreuses des forêts, il nourrissait sa fille avec le lait d’une cavale, pressant sur les tendres lèvres de l’enfant la mamelle ruisselante de sa sauvage nourrice. À peine commençait-elle à marquer sur l’arène ses pas mal assurés, qu’il chargea ses mains d’un dard aigu, et qu’il suspendit à ses petites épaules un arc avec ses flèches. L’or ne noua point ses cheveux ; elle ne revêtit pas une longue robe flottante : la dépouille d’un tigre pendait de sa tête sur tout son corps. Déjà de ses tendres mains elle lançait de petits javelots ; déjà, faisant tournoyer autour de sa tête la courroie de la fronde, (11, 580) elle abattait la grue du Strymon et le cygne au blanc plumage ; plus d’une mère des cités tyrrhéniennes désira en vain de la voir unie à son fils : Camille, heureuse de n’être qu’à Diane, aime d’un éternel amour nos armes et sa pure virginité. Hélas ! j’aurais voulu que, saisie d’une passion moins vive pour les combats, elle ne tentât pas d’attaquer les Troyens ; chère à mon cœur, elle serait maintenant l’une de mes compagnes. Mais puisqu’elle est déjà sous le coup des destins cruels, nymphe, descends des cieux, et vole vers le pays des Latins, là où s’engage sous de funestes auspices un horrible combat. (11, 590) Prends ces armes, et tire une flèche vengeresse de mon carquois. Quel qu’il soit, celui qui percera d’un fer sacrilège le chaste corps de la vierge, Ausonien ou Troyen, il faut qu’il me satisfasse par