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Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/432

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et à la face de leurs parents en pleurs, les uns, culbutés par la masse des fuyards, roulent dans les fossés profonds ; d’autres, poussés par un aveugle désespoir, s’élancent brides abattues, et du poids de leurs coursiers (11, 890) battent les portes et se brisent contre les barrières. Du haut de leurs murs les femmes latines elles-mêmes, à qui le vif amour de la patrie fait voir encore Camille combattant pour elles, transportées d’une commune et tumultueuse ardeur, lancent des traits de leurs mains débiles ; le fer manque ; elles s’arment de bâtons et de pieux que la flamme a durcis : c’est à qui mourra la première pour la défense de ses murs.

Cependant Acca vient apporter à Turnus, embusqué dans la forêt, la terrible nouvelle de ces désastres, et remplit l’âme du jeune guerrier d’un trouble immense. « Les Volsques sont taillés en pièces, Camille a mordu la poussière, l’ennemi furieux fond en avant ; Mars le seconde ; (11, 900) les Troyens tiennent tout ; la terreur s’étend jusqu’aux murailles. » Turnus, furieux, (ainsi le veut l’implacable Junon) abandonne les gorges de la montagne et les âpres sentiers des forêts. À peine commençait-il à s’éloigner et à s’étendre dans la campagne, qu’Énée entre dans le défilé qu’il trouve libre, franchit la montagne, et sort de la sombre forêt. Tous deux se portent d’une marche rapide et avec toute leur armée vers les murs de Laurente, et quelques pas seulement les séparent l’un de l’autre. Énée voit de loin la plaine toute fumante de poussière, et se déployer les bataillons laurentins. (11, 910) Turnus reconnaît aussi le redoutable Énée sous ses armes ; il entend les pas de ses fantassins, et la bruyante haleine de ses chevaux. Et peut-être ils allaient recommencer le combat et tenter encore le destin des armes, si Phébus au teint de rose n’avait plongé ses coursiers fatigués dans les flots ibériens, et, le jour déclinant, ramené la nuit dans les cieux. Tous deux posent donc leur camp devant la ville, et s’y retranchent.


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LIVRE XII.


(12, 1) Turnus, voyant que les Latins, abattus par leurs revers, s’abandonnent au désespoir, que l’État réclame de lui sa promesse, que tous les yeux sont fixés sur lui seul, laisse éclater son implacable fureur, et n’en porte que plus haut ses esprits. Tel, dans les champs libyens, un lion que les chasseurs ont percé d’un grand coup dans la poitrine s’apprête enfin à combattre, s’en réjouit, bat son cou nerveux de ses crins flottants, rompt sans frissonner le trait perfide enfoncé dans son flanc, et frémit d’une gueule sanglante : ainsi se glisse la rage dans le cœur enflammé de Turnus. (12, 10) Alors s’adressant au roi, il lui tient ce fougueux discours : « Turnus est prêt ; les lâches Troyens n’ont plus à se dédire, ni à retirer la parole donnée : vous, père des Latins, faites dresser l’autel, dictez les pactes sacrés. Ou cette main précipitera dans le Tartare le Troyen déserteur de l’Asie (Latins, soyez tranquilles spectateurs du combat), et ma seule épée vengera la querelle commune ; ou les vaincus seront à lui, et je lui