Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/477

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chassé de sa patrie, il s’exile. Tel est le caprice de la fortune : un signe de sa tête, (12, 10) une heure perfide renverse les choses mortelles.


XIII.
À ANTONIUS MUSA.

(13, 1) En quelques lieux que nous porte le souffle changeant de la vie, quelque terre qu’il nous fasse toucher, quelques mortels qu’il nous fasse voir, que je meure, s’il est un homme au monde que j’aime plus que toi ! Et quel autre peut être plus que toi doux à mon cœur ? Les dieux, les sœurs des dieux, et Vénus la première, ne t’ont-elles pas donné, à toi qui en es digne, tous les biens, ceux même qui réjouissent Phébus et le chœur de Phébus ? Est-il, ô Musa, un plus docte esprit que le tien ? Quelle bouche s’échappe en plus suaves accents ? (13, 10) Aucune, pas même celle de la blanche Clio. Aussi ce m’est assez que tu veuilles que je t’aime ; de toi je n’exige même pas amitié pour amitié.


XIV.
SUR LA MORT D’OCTAVE.

Quel dieu, Octave, t’a si vite enlevé à nous ? Est-ce bien ce que l’on dit, est-ce le vin bu sans raison ? est-ce la coupe, cette fois cruelle ? La faute n’en est-elle pas à la bile ? Hélas ! à chacun son destin : le crime en est-il à des coupes innocentes ? Va, Octave, tes écrits nous raviront toujours ; toujours nous te pleurerons, toi si vite enlevé à tes amis, toi, et l’histoire romaine interrompue. Mais toi tu ne seras plus rien. Mânes abominables, parlez : pourquoi lui avoir envié la douceur de survivre à son père ?


XV.
FRAGMENT D'UNE LETTRE DE VIRGILE À AUGUSTE, SUR SON ÉNÉIDE.

Je reçois souvent des lettres de toi......

Quant à mon Énéide, si, par Hercule, j’avais à t’en offrir quelque partie qui fût digne de tes oreilles, j’aurais plaisir à te l’envoyer. Mais l’œuvre n’est encore qu’ébauchée ; et en vérité je crois presque que c’est folie à moi d’avoir entrepris une si grande chose, surtout dans un moment où, tu le sais, je fais marcher de pair avec ce travail d’autres études bien plus importantes.



LA CABARETIÈRE.

(1) La cabaretière syrienne, qui ceint sa tête d’une petite mitre grecque, savante en l’art d’agiter au son du crotale ses souples hanches, danse, enivrée, des pas lascifs dans sa taverne fumeuse, et se bat les coudes avec des baguettes claquantes. À quoi bon chercher loin d’elle la fatigue et la poudreuse chaleur, au lieu de s’étendre sur le lit des buveurs ? Voici des coupes, des calices, des tasses, des roses, des flûtes, des lyres, et un frais berceau que tapissent d’ombreuses oseraies. Sous cette grotte ménalienne fredonne doucement (10) la rustique flûte qui redit les airs des pasteurs. La piquette ne manque pas, elle vient de s’épancher du tonneau poissé ; à nos pieds résonne un ruisseau limpide au rauque