Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et les frimas glacés la pressent de toutes parts, et lui tracent une double limite.

De ces arguments ressort une vérité nouvelle que je vais y rattacher. Les atomes de même forme sont innombrables. En effet, comme la diversité des figures a des bornes, il faut bien que le nombre des éléments semblables soit infini : sans quoi la matière même serait bornée, ce qui ne peut être, comme nous en avons fourni des preuves.

Ces vérités une fois établies, allons plus loin, et montrons par quelques (2, 530) vers harmonieux que les atomes entretiennent la nature depuis des temps éternels, par leurs chocs éternellement répétés dans toutes les parties du vide.

Si tu vois des espèces plus pauvres, des natures moins fécondes que les autres, tu peux croire que ces races abondent en pays étrangers, et dans des terres lointaines où leur nombre se complète. Parmi les animaux de ce genre, nous remarquons surtout les éléphants à la trompe qui serpente : les Indes en sont couvertes, et un rempart d’ivoire les protège, (2, 540) les rend impénétrables, tant elles renferment de ces bêtes sauvages que nous connaissons à peine. Mais je suppose même, si tu veux, que tel ou tel être soit unique dans son espèce, que la nature le forme seul, et que son semblable ne se trouve pas dans le reste du monde. Si les atomes qui servent à le concevoir et à le produire ne sont pas innombrables, cet être même ne peut naître, ne peut croître, ne peut se nourrir. En effet, que tes yeux se représentent les éléments bornés du corps unique flottant épars dans la masse : (2, 550) de quel côté, en quel lieu, comment, par quelle force veux-tu que ces éléments se rencontrent et se joignent au milieu de cet océan immense de matière, de cette foule d’atomes étrangers ? Il leur est impossible, je pense, de former aucun assemblage. Souvent, après de nombreux et vastes naufrages, la mer écumante disperse les bancs de rameurs, les carènes, les antennes, les proues, les rames, et les mâts qui surnagent, afin que leurs banderoles flottantes attirent les yeux sur tous les rivages, et que ces leçons terribles apprennent aux mortels à fuir les embûches de la mer, sa rage puissante, ses trompeuses amorces, et à se défier même lorsque sa perfidie se cache sous un aspect riant et calme. (2, 561) De même, si tu bornes le nombre des atomes, ils demeureront à jamais épars, éternellement battus par les flots de matière qui se croisent, incapables de se rassembler, incapables de maintenir leur assemblage, de le nourrir, et de l’accroître. Les yeux attestent pourtant et que des corps se forment, et que des corps croissent quand ils sont formés : il existe donc pour toutes les espèces des éléments innombrables qui les alimentent.

(2, 570) Aussi les mouvements qui tuent ne peuvent-ils venir à bout des êtres, et les ensevelir à jamais dans la mort ; comme les mouvements qui