Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/562

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sensible aux amours des immortels, elle trompa les feux de Jupiter, éluda les poursuites du fleuve Halys, et se joua d’Apollon.

Sur ces bords, un heureux hasard amène aux Argonautes trois nouveaux compagnons : Autolicus, Phlogius et Déiléon, qui avaient suivi les armes d’Hercule, et qui depuis, après maintes traverses, s’étaient fixés dans ces contrées. À la vue des guerriers, à la vue de la nef thessalienne, ils accourent au rivage, et conjurent les Argonautes de les recevoir à leur bord. Jason accueille avec joie leur demande, (5, 120) et ces nouveaux bras qui vont redonner du mouvement à des rames depuis peu délaissées.

Sous leurs yeux coulent le fleuve Halys, l’Iris qui s’égare dans de longs détours, et le Thermodon. Celui-ci, dont les eaux grondent encore au milieu de la mer à laquelle il porte son tribut, est consacré à Mars, et est le plus riche des fleuves en dépouilles. C’est à lui que la jeune Amazone offre des coursiers et des haches votives, quand, suivie du Massagète et du Mède, ornements de son triomphe, elle revient des combats par les Portes Caspiennes, vraie fille de la Guerre et du dieu qui se repaît de sang. Ici les Argonautes, dociles aux conseils de Phinée, s’écartent de plus en plus de la rive.

Jason s’adresse alors à ses nouveaux compagnons. (5, 130) « Maintenant, leur dit-il, racontez-nous vos combats, ceux de mon cher Hercule, et ses victoires. » Et, morne et silencieux, il entend le récit de la guerre des Amazones, les dangers, les fatigues de cette guerre ; comment la première, lâchant les rênes, roula presque mourante dans les eaux du Thermodon ; comment une autre, jetant son bouclier et son carquois, prenait la fuite, quand Hercule l’atteignit d’une flèche ; comment enfin la Colère, la crainte d’affliger Mars leur père, enflammaient leurs vaillants escadrons ; quel formidable aspect avait leur reine, (5, 140) ses armes, son baudrier tout resplendissant d’or.

Vers la fin de la nuit, du fond des entrailles de la terre, retentissent les marteaux des vigilants Chalybes. Hôtes d’un pays qui t’est cher, ô Mars, ils fabriquent péniblement des armes, et sont les inventeurs de cette industrie si fatale au reste des humains. Car avant qu’ils arrachassent le fer du sein de la terre et qu’ils le façonnassent en épées, les Haines erraient désarmées et impuissantes, les Colères étaient stériles et la Vengeance paralysée.

Derrière eux, les Argonautes laissent ensuite le promontoire de Jupiter Génétéen, les lacs, les prairies du pays des Tibaréniens, où les femmes, après leur délivrance, prennent soin de leurs maris, et les coiffent d’une mitre, emblème de la paresse. (5, 151) Vous l’admirâtes aussi ce navire inconnu, vous, Mossyniens, vous Macrons, du haut de vos retraites escarpées ; vous, Byzères vagabonds ; vous enfin, rivages que Philyre a dotés de son nom, et où jadis galopa Saturne changé en coursier.

De là, ils découvrent les dernières côtes de l’Euxin, et le Caucase, théâtre du supplice de Prométhée, qui cache sa tête dans les frimas de l’Ourse. Par hasard Hercule arrivait le même jour, pour mettre un terme à la punition du Titan. Déjà, réunissant tous ses efforts, il ébranle