Aller au contenu

Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/605

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que ses jeunes compagnes, poussant un dernier cri qui se perd dans l’espace, appellent, leur maîtresse. Loin d’elles, ô Médée, t’emportent les vents et ton destin.

Les Argonautes, poussés par un vent qui favorisait leur retour, marchaient jour et nuit, et reconnaissaient les rivages qu’ils avaient déjà côtoyés, lorsqu’Erginus dit tout à coup du haut de la poupe :

« Vous avez tant de joie d’avoir conquis la Toison, que vous ne pensez ni au chemin qui vous reste à faire ni au danger qui nous attend. Demain nous touchons à l’extrémité de cette terrible mer et aux Cyanées. Je n’ai pas oublié Tiphys, je n’ai pas oublié, ô mon vénérable maître, tes pénibles efforts au passage de ces rochers. Changeons de route, mes amis ; il en est une autre par laquelle nous sortirons de cette mer, et que je vais vous indiquer. Non loin d’ici se jette, après avoir traversé la Scythie, l’Ister à l’urne immense, et qui, vous le savez, trop à l’étroit dans son lit, se divise en sept canaux et se verse dans la mer par sept embouchures. Gagnons ce fleuve en côtoyant la rive gauche du Pont ; remontons-en le cours jusqu’à ce que nous trouvions un autre fleuve qui nous portera dans une autre mer. Il vaut mieux, Jason, consentir à quelque retard, que de braver de nouveau les perfides Cyanées. Tel est mon avis. Voyez plutôt, le navire n’y a-t-il pas déjà laissé une partie de sa poupe ? » En parlant ainsi, Erginus ignorait que le destin avait rendu les Cyanées immobiles, et les avait condamnées à un éternel repos.

« Fidèle pilote, lui répondit Jason, tes craintes sont fondées ; je ne refuse pas de faire une route plus longue, et de montrer ma victoire à toute la terre. » On gouverne aussitôt, en côtoyant de nouveaux pays et d’autres empires, vers ce fleuve habitué à porter des chariots sur son sein.

Assise à la poupe derrière le pilote, Médée embrassait les genoux de l’effigie de Minerve ; son voile couvrait sa figure, et des larmes tombaient de ses yeux. Elle se voyait au milieu des héros thessaliens, seule, et sans être certaine de son futur hymen. Les rives de la Sarmatie en sont attendries ; et quand elle passe devant la Tauride, Diane verse des pleurs. Pas un marais, pas un fleuve de la Scythie qui ne soit ému ; les glaces des Hyperboréens se fondent à l’aspect de la puissance déchue de Médée ; les Argonautes eux-mêmes ont cessé leurs murmures ; ils souffrent volontiers sa présence. Pour elle, à peine lève-t-elle les yeux, quand, sur la fin du jour, son cher Jason lui présente quelques aliments, quand il lui annonce qu’ils ont dépassé le nuageux Carambis, le royaume de Lycus, et quand, pour tromper sa douleur, il l’engage à porter ses regards vers les montagnes de la Thessalie.

Il est une île à laquelle une nymphe de Sarmatie, Peucé, donna son nom : c’est là que l’Ister, aux rives dangereuses et sans cesse infestées de hordes farouches, roule à travers le pays des Alains ses eaux à la mer. Jason, voulant y soulager son cœur du poids qui l’oppressait, ose découvrir à ses compagnons ses engagements avec Médée, la foi qu’il lui a promise, l’hymen qui doit la sanctionner ; tous y applaudissent avec