Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
LIVRE DEUXIÈME

Encor ces traits ardents que le soleil nous darde
Ne fendent pas le vide, et le ciel les retarde ;
Il leur faut écarter les flots aériens ;
160Eux-mêmes ne vont pas un par un ; leurs liens
Les groupent en faisceaux qui se croisent en route,
Ils s’arrêtent l’un l’autre, et leur lutte s’ajoute,
Obstacle intérieur, aux conflits du dehors.

Mais les atomes purs, germes simples des corps,
Forts de leur unité, dans l’absolu du vide,
Sans obstacle étranger vont où leur poids les guide.
Il faut donc que leur vol passe en rapidité
Certes, et de beaucoup, l’essor de la clarté,
Et, dans le temps que met l’astre à dissiper l’ombre,
Puisse atteindre à la fois des régions sans nombre.
D’où viendrait un retard ? Crois-tu que, par moment,
Ces corps tiennent conseil et que chaque élément
S’arrête à raisonner sur la marche des choses ?

Que nous disent-ils donc, ces vains chercheurs de causes
Qui jugent la Nature incapable, sans dieux,
D’effets si doux à l’homme et si judicieux ?
La marche de l’année et les moissons constantes,
La propagation des formes renaissantes,
Ces doux entraînements du désir, ces hymens
180Qui sauvent de la mort la race des humains,
Grand œuvre de Vénus féconde, où nous convie
La sainte volupté, guide et loi de la vie,
Tout pour eux est calcul, tout est d’ordre divin.
Jamais erreur ne fut plus loin du vrai chemin.