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DE LA NATURE DES CHOSES

Une progression de dégoût n’offensât
L’oreille ou le palais, la vue ou l’odorat.
Or rien de tel n’existe. Il est un point extrême
Où toute qualité se limite elle-même.
Conviens donc avec moi que la variété
Des formes ne sort point d’un cercle limité.

La glace et la fureur du feu marquent le terme
D’un champ qu’ouvre un excès et qu’un autre excès ferme.
Entre elles la tiédeur occupe le milieu ;
Et ses gradations vont de la glace au feu ;
Leur force est donc bornée, et remplit l’intervalle
Où siègent aux deux bouts l’une et l’autre rivale.
De là découle encore une autre vérité :
Si des types divers le nombre est limité,
Le nombre est infini des atomes semblables.
Leur tout serait borné s’ils n’étaient innombrables.
Or nous savons que rien ne borne l’univers ;
540Et peu de mots, s’il est quelque charme en nos vers,
Vont te prouver qu’il faut que les premiers principes
Soient en nombre infini dans chaque ordre de types,
Pour suffire à ces chocs qui font et qui défont
Sans trêve le tissu de l’infini sans fond.

Telle espèce vivante en nos climats est rare,
Dont la nature ailleurs se montre moins avare.
Dépaysés chez nous, ces vastes éléphants,
Armés d’étranges mains qui semblent des serpents,
Pullulent, fils du sol, sur des rives lointaines ;
Dans l’Inde, leurs milliers se comptent par centaines,