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DE LA NATURE DES CHOSES

La douleur, c’est l’assaut des forces destructives,
L’angoisse qui, du corps gagnant les œuvres vives,
Dans leurs sièges profonds trouble les éléments.
980C’est l’ordre rétabli dans tous les mouvements
Qui fait la volupté. De là cet axiome :
Ni plaisir, ni douleur n’ont prise sur l’atome.

Le germe est simple. En lui nul mélange de corps,
Rien qui puisse souffrir de brusques désaccords,
Ou de l’apaisement goûter la jouissance.
Tout sentiment est donc exclu de son essence.
Quoi donc ! Si, pour sentir, les êtres animés
D’atomes sensitifs devaient être formés,
Les éléments humains dont notre être est la somme
Trembleraient, secoués par un vrai rire d’homme ;
Sur leur contour ému ruisselleraient des pleurs.
De leurs germes premiers, des concours créateurs,
Nous verrions disserter entre eux ces grains de sable !
Dès qu’on les assimile à l’être périssable,
Ils sont comme lui nés d’autres germes, produits
D’éléments composés. Va plus loin ! Je te suis.
Partout où tu diras : ceci rit, parle ou pense ;
Ses germes, répondrai-je, ont la même puissance.
Démence que cela ! Fureur d’égarement !
1000Si donc tu peux penser et parler doctement
Sans atomes diserts ou raisonnants, et rire
Sans éléments rieurs, je reviens à mon dire :

Tout sens est l’attribut d’un agrégat charnel ;
L’atome est insensible afin d’être éternel.